Triangle trinomial

Le triangle trinomial sous la main d'Euler[1].

En mathématiques, le triangle trinomial est un tableau triangulaire de nombres entiers, constituant une généralisation du triangle de Pascal, étudié en particulier par Euler en 1767[1].

Présenté comme ci-dessous, partant du 1 situé en haut, chaque terme est la somme de trois termes de la ligne précédente (au lieu de deux pour le triangle de Pascal) : celui situé juste au dessus, celui situé au dessus à gauche (considéré comme nul s'il n'existe pas), et celui situé au dessus à droite (considéré comme nul s'il n'existe pas).

1 1 1 1 1 2 3 2 1 1 3 6 7 6 3 1 1 4 10 16 19 16 10 4 1 {\displaystyle {\begin{matrix}&&&&1\\&&&1&1&1\\&&1&2&3&2&1\\&1&3&6&7&6&3&1\\1&4&10&16&19&16&10&4&1\end{matrix}}}

Les coefficient lus ligne par ligne forment la suite A027907 de l'OEIS.

Définition formelle

Les termes de la ligne d'indice n {\displaystyle n} étant notés :

( n k ) 2 {\displaystyle {n \choose k}_{2}} pour k {\displaystyle k} entier quelconque,

les coefficients du triangle trinomial peuvent être générés à l'aide de la formule de récurrence suivante :

( 0 0 ) 2 = 1 {\displaystyle {0 \choose 0}_{2}=1} , ( n k ) 2 = 0 {\displaystyle {n \choose k}_{2}=0} pour   k < 0 {\displaystyle \ k<0} et   k > 2 n {\displaystyle \ k>2n} ,
( n k ) 2 = ( n 1 k ) 2 + ( n 1 k 1 ) 2 + ( n 1 k 2 ) 2 {\displaystyle {n \choose k}_{2}={n-1 \choose k}_{2}+{n-1 \choose k-1}_{2}+{n-1 \choose k-2}_{2}} pour n 1 {\displaystyle n\geqslant 1} .

Les seuls coefficients non nuls de la ligne d'indice n {\displaystyle n} sont les 2 n + 1 {\displaystyle 2n+1} ( n k ) 2 {\displaystyle {n \choose k}_{2}} pour k {\displaystyle k} allant de 0 {\displaystyle 0} à 2 n {\displaystyle 2n} .

k
n
0 1 2 3 4 5 6 7 8
0 1
1 1 1 1
2 1 2 3 2 1
3 1 3 6 7 6 3 1
4 1 4 10 16 19 16 10 4 1

Propriétés

  • ( n 0 ) 2 = ( n 2 n ) 2 = 1 {\displaystyle {\binom {n}{0}}_{2}={\binom {n}{2n}}_{2}=1} , ( n 1 ) 2 = ( n 2 n 1 ) 2 = n {\displaystyle {\binom {n}{1}}_{2}={\binom {n}{2n-1}}_{2}=n} .
  • Symétrie d'une ligne par rapport à son centre :
( n k ) 2 = ( n 2 n k ) 2 {\displaystyle {n \choose k}_{2}={n \choose 2n-k}_{2}}
  • La ligne d'indice n {\displaystyle n} est formée des coefficients du trinôme 1 + X + X 2 {\displaystyle 1+X+X^{2}} élevé à la puissance n {\displaystyle n}  :
( 1 + X + X 2 ) n = k = 0 2 n ( n k ) 2 X k {\displaystyle \left(1+X+X^{2}\right)^{n}=\sum _{k=0}^{2n}{n \choose k}_{2}X^{k}}
Le triangle trinomial peut se construire à partir de la pyramide de Pascal. 1 1 1 1 1 2 3 2 1 1 3 6 7 6 3 1 1 4 10 16 19 16 10 4 1 {\displaystyle {\begin{matrix}&&&&1\\&&&1&1&1\\&&1&2&3&2&1\\&1&3&6&7&6&3&1\\1&4&10&16&19&16&10&4&1\end{matrix}}}
  • La relation de récurrence sur les ( n k ) 2 {\displaystyle {n \choose k}_{2}} peut se voir en écrivant que ( 1 + X + X 2 ) n = ( 1 + X + X 2 ) n 1 + X ( 1 + X + X 2 ) n 1 + X 2 ( 1 + X + X 2 ) n 1 {\displaystyle (1+X+X^{2})^{n}=(1+X+X^{2})^{n-1}+X(1+X+X^{2})^{n-1}+X^{2}(1+X+X^{2})^{n-1}}
  • D'après la formule du trinôme : ( 1 + X + Y ) n = 0 i , j n ( n i , j , n i j ) X i Y j {\displaystyle (1+X+Y)^{n}=\sum _{0\leqslant i,j\leqslant n}{\binom {n}{i,j,n-i-j}}X^{i}Y^{j}} ( n i , j , n i j ) = n ! i ! j ! ( n i j ) ! = ( n i ) ( n i j ) = ( n j ) ( n j i ) , {\displaystyle {\binom {n}{i,j,n-i-j}}={\frac {n!}{i!j!(n-i-j)!}}={\binom {n}{i}}{\binom {n-i}{j}}={\binom {n}{j}}{\binom {n-j}{i}},}

on obtient la relation :

( n k ) 2 = 0 i , j n i + 2 j = k ( n i , j , n i j ) {\displaystyle {n \choose k}_{2}=\sum _{\textstyle {0\leqslant i,j\leqslant n \atop i+2j=k}}{\binom {n}{i,j,n-i-j}}} (voir la traduction géométrique ci-contre), ou ( n k ) 2 = max ( 0 , k n ) j k / 2 ( n k 2 j ) ( n k + 2 j j ) = max ( 0 , k n ) j k / 2 ( n j ) ( n j k 2 j ) {\displaystyle {n \choose k}_{2}=\sum _{\max(0,k-n)\leqslant j\leqslant k/2}{\binom {n}{k-2j}}{\binom {n-k+2j}{j}}=\sum _{\max(0,k-n)\leqslant j\leqslant k/2}{\binom {n}{j}}{\binom {n-j}{k-2j}}} .

La relation de récurrence sur les ( n k ) 2 {\displaystyle {n \choose k}_{2}} peut se déduire de la relation de récurrence sur les coefficients de la pyramide de Pascal : ( n i , j , k ) = ( n 1 i 1 , j , k ) + ( n 1 i , j 1 , k ) + ( n 1 i , j , k 1 ) . {\displaystyle {n \choose i,j,k}={n-1 \choose i-1,j,k}+{n-1 \choose i,j-1,k}+{n-1 \choose i,j,k-1}.}

  • La somme des éléments de la ligne d'indice n {\displaystyle n} est égale à ( 1 + 1 + 1 ) n = 3 n {\displaystyle (1+1+1)^{n}=3^{n}} .
  • Les diagonales ont des propriétés intéressantes en relation avec les nombres triangulaires.

Coefficients trinomiaux centraux

Les coefficients trinomiaux centraux ( n n ) 2 {\displaystyle {n \choose n}_{2}}  :

1, 1, 3, 7, 19, 51, 141, 393, 1107, 3139,… (suite A002426 de l'OEIS)

ont été étudiés par Euler[1].

Ils s'expriment par les formules :

( n n ) 2 = 0 k n / 2 n ( n 1 ) ( n 2 k + 1 ) ( k ! ) 2 = 0 k n / 2 ( n 2 k ) ( 2 k k ) = 0 k n / 2 ( n k ) ( n k k ) {\displaystyle {n \choose n}_{2}=\sum _{0\leqslant k\leqslant n/2}{\frac {n(n-1)\cdots (n-2k+1)}{(k!)^{2}}}=\sum _{0\leqslant k\leqslant n/2}{n \choose 2k}{2k \choose k}=\sum _{0\leqslant k\leqslant n/2}{n \choose k}{n-k \choose k}} .

On a aussi : ( n n ) 2 = ( i 3 ) n L n ( i / 3 ) {\displaystyle {n \choose n}_{2}=(\operatorname {i} {\sqrt {3}})^{n}L_{n}(-\operatorname {i} /{\sqrt {3}})} L n ( x ) = 1 2 n n ! d n d x n ( ( x 2 1 ) n ) {\displaystyle L_{n}(x)={\frac {1}{2^{n}n!}}{\frac {\operatorname {d} ^{n}}{\operatorname {d} x^{n}}}((x^{2}-1)^{n})} est le polynôme de Legendre.

Leur fonction génératrice est donnée par la formule :

1 + x + 3 x 2 + 7 x 3 + 19 x 4 + = 1 ( 1 + x ) ( 1 3 x ) . {\displaystyle 1+x+3x^{2}+7x^{3}+19x^{4}+\ldots ={\frac {1}{\sqrt {(1+x)(1-3x)}}}.}

Euler a noté l'exemplum memorabile inductionis fallacis (« exemple notable d'induction fallacieuse ») :

3 ( n + 1 n + 1 ) 2 ( n + 2 n + 2 ) 2 = F n ( F n + 1 ) {\displaystyle 3{n+1 \choose n+1}_{2}-{n+2 \choose n+2}_{2}=F_{n}(F_{n}+1)} pour 0 n 7 {\displaystyle 0\leqslant n\leqslant 7} ,

F n {\displaystyle F_{n}} est le nombre de Fibonacci d'indice n {\displaystyle n} [1]. Cette relation est fausse à partir de n = 8 {\displaystyle n=8} .

George Andrews a expliqué cette erreur en montrant l'identité générale[2] :

2 k Z ( ( n + 1 n + 1 + 10 k ) 2 ( n + 1 n + 1 + 10 k + 1 ) 2 ) = F n ( F n + 1 ) . {\displaystyle 2\sum _{k\in \mathbb {Z} }\left({n+1 \choose n+1+10k}_{2}-{n+1 \choose n+1+10k+1}_{2}\right)=F_{n}(F_{n}+1).}

Interprétations combinatoires

Le coefficient ( n k ) 2 {\displaystyle {n \choose k}_{2}} s'interprète comme le nombre de façons de choisir k {\displaystyle k} cartes dans deux jeux identiques de n {\displaystyle n} cartes chacun[3].

Plus formellement ( n k ) 2 {\displaystyle {n \choose k}_{2}} est le nombre de combinaisons avec répétitions formées à partir de n {\displaystyle n} objets, chaque élément étant répété deux fois au maximum. C'est donc aussi le nombre de n {\displaystyle n} -uplets de coordonnées égales à 0,1, ou 2 dont la somme vaut k {\displaystyle k} .

Par exemple, à partir de deux jeux de n = 3 {\displaystyle n=3} cartes A, B, C, les différents choix sont :

Nombre k {\displaystyle k} de cartes

sélectionnées

Nombre ( 3 k 3 ) 2 {\displaystyle {3 \choose k-3}_{2}} de sélections Sélections Triplets associés
0 1 {\displaystyle \varnothing } ( 0 , 0 , 0 ) {\displaystyle (0,0,0)}
1 3 A, B, C ( 1 , 0 , 0 ) {\displaystyle (1,0,0)} , ( 0 , 1 , 0 ) {\displaystyle (0,1,0)} , ( 0 , 0 , 1 ) {\displaystyle (0,0,1)}
2 6 AA, AB, AC, BB, BC, CC ( 2 , 0 , 0 ) {\displaystyle (2,0,0)} , ( 1 , 1 , 0 ) {\displaystyle (1,1,0)} , ( 1 , 0 , 1 ) {\displaystyle (1,0,1)} , ( 0 , 2 , 0 ) {\displaystyle (0,2,0)} , ( 0 , 1 , 1 ) {\displaystyle (0,1,1)} , ( 0 , 0 , 2 ) {\displaystyle (0,0,2)}
3 7 AAB, AAC, ABB, ABC, ACC, BBC, BCC ( 2 , 1 , 0 ) {\displaystyle (2,1,0)} , ( 2 , 0 , 1 ) {\displaystyle (2,0,1)} , ( 1 , 2 , 0 ) {\displaystyle (1,2,0)} , ( 1 , 1 , 1 ) {\displaystyle (1,1,1)} , ( 1 , 0 , 2 ) {\displaystyle (1,0,2)} , ( 0 , 2 , 1 ) {\displaystyle (0,2,1)} , ( 0 , 1 , 2 ) {\displaystyle (0,1,2)}
4 6 AABB, AABC, AACC, ABBC, ABCC, BBCC ( 2 , 2 , 0 ) {\displaystyle (2,2,0)} , ( 2 , 1 , 1 ) {\displaystyle (2,1,1)} , ( 2 , 0 , 2 ) {\displaystyle (2,0,2)} , ( 1 , 2 , 1 ) {\displaystyle (1,2,1)} , ( 1 , 1 , 2 ) {\displaystyle (1,1,2)} , ( 0 , 2 , 2 ) {\displaystyle (0,2,2)}
5 3 AABBC, AABCC, ABBCC ( 2 , 2 , 1 ) {\displaystyle (2,2,1)} , ( 2 , 1 , 2 ) {\displaystyle (2,1,2)} , ( 1 , 2 , 2 ) {\displaystyle (1,2,2)}
6 1 AABBCC ( 2 , 2 , 2 ) {\displaystyle (2,2,2)}

Notant T ( n , k ) {\displaystyle T(n,k)} le nombre de n {\displaystyle n} -uplets de coordonnées égales à 0,1, ou 2 dont la somme vaut k {\displaystyle k} , on a bien

T ( 0 , 0 ) = 1 {\displaystyle T(0,0)=1} , T ( n , k ) = 0 {\displaystyle T(n,k)=0} pour   k < 0 {\displaystyle \ k<0} et   k > 2 n {\displaystyle \ k>2n} , et

T ( n , k ) = T ( n 1 , k ) + T ( n 1 , k 1 ) + T ( n 1 , k 2 ) {\displaystyle T(n,k)=T(n-1,k)+T(n-1,k-1)+T(n-1,k-2)} , car il y a T ( n 1 , k ) {\displaystyle T(n-1,k)} tels n {\displaystyle n} -uplets dont la dernière coordonnée vaut 0, T ( n 1 , k 1 ) {\displaystyle T(n-1,k-1)} tels n {\displaystyle n} -uplets dont la dernière coordonnée vaut 1, et T ( n 1 , k 2 ) {\displaystyle T(n-1,k-2)} tels n {\displaystyle n} -uplets dont la dernière coordonnée vaut 2.

D'où T ( n , k ) = ( n k ) 2 {\displaystyle T(n,k)={n \choose k}_{2}} .

On obtient T ( n , k ) {\displaystyle T(n,k)} en considérant d'abord le nombre de façons de choisir p {\displaystyle p} paires de cartes identiques dans les deux jeux, nombre égal au coefficient binomial ( n p ) {\displaystyle {n \choose p}} puis en choisissant les k 2 p {\displaystyle k-2p} cartes restantes de ( n p k 2 p ) {\displaystyle {n-p \choose k-2p}} façons[3]. On retrouve l'expression :

( n k ) 2 = p = max ( 0 , k n ) min ( n , [ k / 2 ] ) ( n p ) ( n p k 2 p ) {\displaystyle {n \choose k}_{2}=\sum _{p=\max(0,k-n)}^{\min(n,[k/2])}{n \choose p}{n-p \choose k-2p}} .

On obtient notamment la formule ( 24 12 ) 2 = 287 134 346 {\displaystyle {24 \choose 12}_{2}=287\,134\,346} pour le nombre de mains différentes dans le jeu de cartes Doppelkopf .

Aux échecs

Les termes du triangle trinomial correspondent aux nombres de chemins minimaux possibles que peut emprunter le roi dans une partie d'échecs pour aller d'une case à une autre. Dans la figure ci-contre, le nombre inscrit dans une case représente le nombre de chemins différents (en utilisant un nombre minimum de mouvements) que le roi peut emprunter pour atteindre cette case.

Généralisation au triangle q-nomial

Les coefficients du triangle q-nomial sont définis par :

( 0 0 ) q 1 = 1 {\displaystyle {0 \choose 0}_{q-1}=1} , ( n k ) q 1 = 0 {\displaystyle {n \choose k}_{q-1}=0} pour   k < 0 {\displaystyle \ k<0} et   k > ( q 1 ) n {\displaystyle \ k>(q-1)n} ,
( n k ) q 1 = ( n 1 k ) q 1 + ( n 1 k 1 ) q 1 + + ( n 1 k q + 1 ) q 1 {\displaystyle {n \choose k}_{q-1}={n-1 \choose k}_{q-1}+{n-1 \choose k-1}_{q-1}+\cdots +{n-1 \choose k-q+1}_{q-1}} pour n 1 {\displaystyle n\geqslant 1} .

La ligne d'indice n {\displaystyle n} est constituée des coefficients de ( 1 + X + + X q 1 ) n {\displaystyle (1+X+\cdots +X^{q-1})^{n}} [4].

Le triangle binomial ( q = 2 {\displaystyle q=2} ) n'est alors autre que le triangle de Pascal.

Le triangle quadrinomial ( q = 4 {\displaystyle q=4} ) est référencé comme suite A008287 de l'OEIS.

Références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Trinomial triangle » (voir la liste des auteurs).
  1. a b c et d (la) Leonhard Euler, « Observationes analyticae », Novi Commentarii Academiae Scientiarum Petropolitanae, vol. 11,‎ , p. 124–143 (lire en ligne)
  2. (en) George Andrews, « Three Aspects for Partitions », Séminaire Lotharingien de Combinatoire, vol. B25f,‎ (lire en ligne)
  3. a et b (de) Andreas Stiller, « Pärchenmathematik. Trinomiale und Doppelkopf.. Issue 10/2005, p. 181 », C't, vol. 10,‎ , p. 181
  4. (en) Daniel C. Fielder et Cecil O. Alford, « Pascal's triangle: Top gun or just one of the gang? », dans Applications of Fibonacci Numbers, vol. 4 : (Proceedings of The Fourth International Conference on Fibonacci Numbers and Their Applications, Wake Forest University, N.C., U.S.A., July 30–August 3, 1990), Kluwer Academics Publisher, 313 p. (ISBN 978-0-7923-1309-0, lire en ligne), p. 77-90.

Voir aussi

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