Théorème des cercles inscrits égaux

Si les cercles bleus ont même rayon, les cercles verts également.

En géométrie, le théorème des cercles inscrits égaux concerne la construction suivante : on trace une suite de segments (les rayons) joignant un point fixé à une droite donnée (la base) telle que les cercles inscrits dans les triangles formés par deux rayons consécutifs et la base aient même rayon. Dans l'illustration, les cercles bleus définissent l'espacement entre les rayons.

Le théorème stipule que les cercles inscrits dans les triangles formés (à partir d'un segment donné) par un rayon sur deux, un rayon sur trois, etc. et la base ont également même rayon (cf. les cercles verts dans la figure).

Il existe de nombreuses démonstrations de ce théorème. Celles présentées ci-dessous utilisent

  • un théorème classique du wasan (mathématiques japonaises traditionnelles) pour la première[1]
  • un théorème de Jordan Tabov[2],[3] pour la deuxième
  • la trigonométrie hyperbolique [4] pour la troisième

On trouvera dans les références[5], [6] deux démonstrations utilisant un minimum de trigonométrie circulaire, et une autre dans[7].

Historique

Ce résultat apparaît sans preuve et sans référence en 1991 chez David Wells dans Curious and Interesting Geometry puis dans son édition française[8], mais vu sa conséquence directe du théorème du wasan ci-dessous[1], on peut penser qu'il était connu des mathématiciens japonais de la période Edo.

Utilisation d'un théorème du wasan

h 1 h 2 = h h 3 {\displaystyle h_{1}h_{2}=hh_{3}}

Dans un triangle ABC de cercle inscrit ( 3 ) {\displaystyle (3)} et de hauteur h {\displaystyle h} muni d'une cévienne [ A D ] {\displaystyle [AD]} , on inscrit deux cercles ( 1 ) {\displaystyle (1)} et ( 2 ) {\displaystyle (2)} dans A B D {\displaystyle ABD} et A D C {\displaystyle ADC} . On note r i {\displaystyle r_{i}} le rayon du cercle ( i ) {\displaystyle (i)} et on pose h i = h 2 r i {\displaystyle h_{i}=h-2r_{i}} .

Le théorème stipule que h 1 h 2 = h h 3 {\displaystyle h_{1}h_{2}=hh_{3}} , ce qui peut aussi s'écrire ( 1 2 r 1 h ) ( 1 2 r 2 h ) = ( 1 2 r 3 h ) {\displaystyle \left(1-{\frac {2r_{1}}{h}}\right)\left(1-{\frac {2r_{2}}{h}}\right)=\left(1-{\frac {2r_{3}}{h}}\right)} .

Ce théorème, dit théorème des co-hauteurs[9], est un théorème japonais du wasan.

Il peut se démontrer en utilisant les aires[1],[10], le théorème de Stewart[9], des relations entre la hauteur et les rayons des cercles inscrit et exinscrit[11], ou la trigonométrie hyperbolique[4].

Il implique directement le théorème des cercles inscrits égaux car si trois cercles bleus consécutifs ont même rayon, il montre que les deux premiers cercles verts ont même rayon, et ainsi de suite.

Utilisation du théorème des quatre cercles de Jordan Tabov

Dans le triangle ABC, on trace cette fois deux céviennes [ A D ] {\displaystyle [AD]} et [ A E ] {\displaystyle [AE]} , et on considère les cercles inscrits ( 1 ) {\displaystyle (1)} et ( 2 ) {\displaystyle (2)} dans A B D {\displaystyle ABD} et A E C {\displaystyle AEC} , et les cercles inscrits ( 3 ) {\displaystyle (3)} et ( 4 ) {\displaystyle (4)} dans A B E {\displaystyle ABE} et A D C {\displaystyle ADC} . Le théorème stipule que ( 1 ) {\displaystyle (1)} et ( 2 ) {\displaystyle (2)} ont même rayon si et seulement si ( 3 ) {\displaystyle (3)} et ( 4 ) {\displaystyle (4)} ont même rayon.

Ce théorème a été prouvé par le mathématicien bulgare Jordan Tabov en 1989[2],[3], mais il constitue une conséquence et une généralisation d'un théorème publié en 1986 par le Turc Hüseyin Demir[12].

On en déduit le théorème des cercles inscrits égaux car il montre que les cercles bleus numéros 1 et 3 étant "égaux", les cercles verts numéros 1 et 2 sont égaux, et ainsi de suite. Il montre aussi la réciproque, à savoir que si les cercles verts sont "égaux", les cercles bleus également.

Utilisation de la trigonométrie hyperbolique

Le théorème est un corollaire direct du lemme suivant :

Supposons que le n-ième rayon fasse un angle γ n {\displaystyle \gamma _{n}} avec la normale à la base. Si γ n {\displaystyle \gamma _{n}} est paramétré selon la relation tan γ n = sinh θ n {\displaystyle \tan \gamma _{n}=\sinh \theta _{n}} , alors les valeurs de θ n = a + n b {\displaystyle \theta _{n}=a+nb} , où a {\displaystyle a} et b {\displaystyle b} sont des constantes réelles, définissent une suite de rayons satisfaisant la condition d'isométrie des cercles inscrits, et de plus, toute suite de rayons satisfaisant la condition peut être produite par un choix approprié des constantes a {\displaystyle a} et b {\displaystyle b} .

Démonstration du lemme

Dans le schéma, les segments [ P S ] {\displaystyle [PS]} et [ P T ] {\displaystyle [PT]} sont des rayons adjacents faisant des angles γ n {\displaystyle \gamma _{n}} et γ n + 1 {\displaystyle \gamma _{n+1}} avec la droite ( P R ) {\displaystyle (PR)} perpendiculaire à la base ( R S T ) {\displaystyle (RST)} .

La droite ( Q X O Y ) {\displaystyle (QXOY)} est parallèle à la base et passe par O {\displaystyle O} , centre du cercle inscrit dans le triangle P S T {\displaystyle PST} , les points de contact étant W {\displaystyle W} et Z {\displaystyle Z} . De plus, le segment [ P Q ] {\displaystyle [PQ]} a pour longueur h r {\displaystyle h-r} , et le segment [ Q R ] {\displaystyle [QR]} a une longueur r {\displaystyle r} , rayon du cercle inscrit.

Le triangle O W X {\displaystyle OWX} est semblable à P Q X {\displaystyle PQX} , et O Z Y {\displaystyle OZY} est semblable à P Q Y {\displaystyle PQY}  ; de X Y = X O + O Y {\displaystyle XY=XO+OY} on déduit :

( h r ) ( tan γ n + 1 tan γ n ) = r ( sec γ n + sec γ n + 1 ) . {\displaystyle (h-r)(\tan \gamma _{n+1}-\tan \gamma _{n})=r(\sec \gamma _{n}+\sec \gamma _{n+1}).}

Cette relation exprime la condition d'égalité des rayons des cercles inscrits.

Pour prouver le lemme, on pose tan γ n = sinh ( a + n b ) {\displaystyle \tan \gamma _{n}=\sinh(a+nb)} , qui donne sec γ n = cosh ( a + n b ) {\displaystyle \sec \gamma _{n}=\cosh(a+nb)} .

En utilisant a + ( n + 1 ) b = ( a + n b ) + b {\displaystyle a+(n+1)b=(a+nb)+b} , on applique les formules d'addition pour sinh {\displaystyle \sinh } et cosh {\displaystyle \cosh } , et on vérifie que la relation d'égalité des rayons des cercles est satisfaite en définissant

r h r = tanh b 2 . {\displaystyle {\frac {r}{h-r}}=\tanh {\frac {b}{2}}.}

Cela donne une expression pour le paramètre b {\displaystyle b} en termes de mesures géométriques, h {\displaystyle h} et r {\displaystyle r} . Avec cette définition de b {\displaystyle b} on obtient alors une expression des rayons, r N {\displaystyle r_{N}} des cercles inscrits formés en prenant chaque N-ième segment comme côtés des triangles

r N h r N = tanh N b 2 . {\displaystyle {\frac {r_{N}}{h-r_{N}}}=\tanh {\frac {Nb}{2}}.}

Articles connexes

Liens externes

  • Equal Incircles Theorem dans cut-the-knot
  • Le théorème des cercles inscrits égaux, par Jean-Louis Ayme, avec historique et bibliographie

Notes et références

  1. a b et c (en) « 和算の図形公式 »,‎ , p. 57-58
  2. a et b (en) Jordan Tabov, « A note on the five-circle theorem », Mathematics Magazine, no 63,‎ , p. 92–94. (lire en ligne)
  3. a et b Mohammed AASSILA, 1000 challenges mathématiques, Géométrie, Ellipses, , p. 327-328
  4. a et b Géry Huvent, « Le théorème des cercles inscrits égaux par la trigonométrie hyperbolique. », (consulté le )
  5. Michel Criton, « Le théorème des cercles inscrits égaux », Tangente Hors-série Bibliothèque, no 36,‎ , p. 64-67 (résumé)
  6. François Lavallou, « La parabole des cercles inscrits », Tangente Hors-série Bibliothèque, no 36,‎ , p. 66-67 (résumé)
  7. Raymond Raynaud, « Exercice 478-1 », Bulletin de l'APMEP, no 481,‎ , p. 258-260 (lire en ligne)
  8. David Wells, Le dictionnaire Penguin des curiosités géométriques, Eyrolles, , p. 35
  9. a et b Loïc Terrier, « Théorème sur les cohauteurs »
  10. Loïc Terrier, « Démonstration par les aires »
  11. Loïc Terrier, « Autre démonstration du théorème des co-hauteurs »
  12. Jean-Louis Ayme, « Le théorème des cercles inscrits égaux », p. 37-39
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