Tannhäuser (opéra)

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Tannhäuser
und der Sängerkrieg auf Wartburg

Tannhäuser
et le Tournoi des chanteurs à la Wartburg
Description de cette image, également commentée ci-après
J. Tichatschek (Tannhäuser) et W. Schröder-Devrient (Vénus) lors de la création à Dresde, 1845.
Données clés
Genre opéra
Nbre d'actes trois
Musique Richard Wagner
Livret Idem
Langue
originale
allemand
Durée (approx.) entre 2 h 50 et 3 h 30
Dates de
composition
1845
Création
Königlich Sächsisches Hoftheater, Dresde, Drapeau du Royaume de Saxe Royaume de Saxe
Création
française

Opéra du Rhin, Strasbourg

Personnages

Airs

  • Hymne à Vénus (acte I, scène 2 - Tannhäuser)
  • Chœur des pèlerins (acte I, scène 3 ; acte III, scène 1)
  • Air d'entrée d'Elisabeth (acte II, scène 1)
  • Prière d'Elisabeth (acte III, scène 2)
  • Romance à l'Étoile (acte III, scène 2)
  • Récit de Rome (acte III, scène 3)

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Tannhäuser est un opéra de Richard Wagner, auteur du livret et de la musique.

C'est son cinquième opéra et le deuxième de ses dix opéras principaux régulièrement joués à Bayreuth. Il porte la référence WWV 70 du catalogue de ses œuvres. Son titre complet est Tannhäuser et le Tournoi des chanteurs à la Wartburg.

Cet opéra a deux thèmes principaux : l’opposition entre amour sacré et amour profane, et la rédemption par l’amour, thème qui traverse l’ensemble de l’œuvre de Wagner.

L'opéra fut créé le à Dresde sous la direction de Wagner, alors âgé de 32 ans. Ensuite, Wagner révisa le livret et la partition à plusieurs reprises. Une version remaniée dite « de Paris » fut montée à l’opéra Le Peletier le grâce au soutien de la princesse Pauline de Metternich, épouse de l'ambassadeur d'Autriche ; malgré l’ajout d’un ballet après l’ouverture destiné à se concilier le goût des Parisiens, un chahut organisé par les habitués de l’opéra traditionnel provoqua un échec retentissant, qui conduisit Wagner à arrêter les représentations après la troisième.

Argument

Présentation générale

Les thèmes-clés sont l’opposition entre l’amour sacré et l’amour profane, ainsi que la rédemption par l’amour, thème qui traverse l’ensemble de l’œuvre de Wagner.

L'action se situe près d'Eisenach au début du treizième siècle.

Acte I

La scène se passe au Venusberg (dans le massif dit Hörselberge (de), près d'Eisenach).

Tannhäuser, ancien Minnesänger, y est captif consentant de la déesse Vénus, dans la « grotte d'amour » de la déesse, située au cœur de la montagne (Louis II de Bavière fit construire dans son château de Linderhof une 'Grotte de Vénus'). Son amour pour elle s'est tari, et il aspire de nouveau à la liberté, à la nature et à l'amour de Dieu. Dans un air fameux dit 'Hymne à Vénus', Tannhäuser exprime à Vénus sa gratitude pour ses bienfaits mais aussi son désir irrévocable de la quitter. La déesse réagit violemment et lui déclare que jamais plus il ne trouvera le salut. Tannhäuser dit alors que son salut viendra de la Vierge Marie, dont la seule évocation du nom provoque la disparition soudaine du Venusberg.

Tannhäuser se retrouve dans la campagne près de la Wartburg ; c'est le printemps, un jeune berger chante la gloire de la belle saison qui s'annonce et des pèlerins qui reviennent de Rome. En entendant leur chant, Tannhäuser est pris de profonds remords pour ses actions et d'un grand désir de rédemption.

Surviennent le landgrave Herman de Thuringe de retour de chasse, accompagné de chevaliers : Wolfram von Eschenbach, Walther von der Vogelweide, Biterolf, Reinmar von Zweter et Heinrich der Schreiber, tous Minnesänger. Ils accueillent avec joie le retour du jeune chanteur, compagnon apprécié de leurs joutes lyriques, qui autrefois avait fui la cour de la Wartburg, et le prient de revenir parmi eux. Tannhäuser refuse, les priant de le laisser poursuivre sa route. Wolfram le prie alors de revenir auprès d'Elisabeth, la nièce du landgrave : à l'évocation de ce nom, Tannhäuser, qui était et reste amoureux de la jeune femme, semble touché par la grâce et accepte de revenir à la Wartburg.

Acte II

Le château de la Wartburg, à Eisenach.

Dans la grande salle d'apparat de la Wartburg, où se déroulent les concours de chant entre Minnesänger.

Elisabeth, la nièce du landgrave, aime toujours Tannhäuser elle aussi. Emplie de joie en apprenant que Tannhäuser est de retour, elle salue cette salle (Dich teure Halle grüß ich wieder = Chant d'Entrée d'Elisabeth) où elle n'est jamais revenue depuis le départ de celui-ci. Tannhäuser arrive, les deux amoureux exultent. Elisabeth exprime le malheur dans lequel elle a vécu depuis son départ inexpliqué. Tannhäuser dit qu'elle doit remercier Dieu d'avoir permis le miracle de son retour.

Le landgrave accueille les invités pour le concours de chant, dont le thème sera l'éveil de l'amour. Elisabeth accordera un vœu au vainqueur, quel qu'il soit. Wolfram est le premier à chanter; il décrit l'amour comme un sentiment pur qui ne doit jamais être troublé. Tannhäuser réplique en vantant l'amour sensuel, ce qui provoque l'ire de Biterolf et de Walther qui soutiennent le sentiment de Wolfram.

Tannhäuser, au comble de l'extase, finit par chanter sa louange à Vénus et déclarer qu'il a passé tout le temps de son absence avec elle dans le Venusberg. C'est pour l'assistance une horreur et un scandale blasphématoires. Les chevaliers tirent l'épée pour sommairement exécuter Tannhäuser. Il ne doit son salut qu'à la pitié d'Elisabeth, qui intercède pour lui, car tout pécheur a droit à miséricorde. Le landgrave condamne Tannhäuser à se joindre aux pèlerins de Rome et à aller à pied implorer son pardon du pape lui-même. Tannhäuser quitte la Wartburg.

Acte III

Acte III, scène I.

La vallée de la Wartburg.

Un an s'est passé. Les pèlerins sont de retour. Elisabeth, accompagnée de Wolfram, guette leur passage, cherchant ardemment Tannhäuser parmi eux. Mais il n'y est pas. Elle tombe à genoux et adresse à la Vierge une fervente prière : elle offre sa vie pour que la rédemption soit accordée à Tannhäuser.

Elle retourne ensuite le cœur brisé vers la Wartburg, refusant le secours de Wolfram, qui offre de l'accompagner. Wolfram, animé d'un amour chaste et dévoué pour elle, pressent la mort prochaine de la jeune femme ; s'adressant à l'Étoile du Soir (Romance à l'Étoile : « Ô du mein holder Abendstern »[1]), il lui demande qu'Elisabeth devienne un ange au ciel comme elle fut un ange sur la terre.

Fin de Tannhäuser, Bayreuth, 1930[2].

Un pèlerin solitaire et dépenaillé arrive : c'est Tannhäuser. Celui-ci décrit comment le Pape, devant l'horreur de son crime inexpiable, lui refusa le pardon aussi longtemps que son bâton pastoral ne pourrait reverdir (air du Récit [ou Retour] de Rome — « Romerzählung »).

Désespéré, Tannhäuser veut retourner au Venusberg. Vénus apparaît, appelant son amant à la rejoindre. Tannhäuser va céder lorsque Wolfram l'adjure de rester en souvenir d'Elisabeth. À ce nom, Tannhäuser reste pétrifié sur place et Vénus, folle de rage, disparaît.

Une procession funéraire apparaît, portant le corps d'Elisabeth. Tannhäuser meurt à son tour, à nouveau touché par la grâce, en implorant Élisabeth de Hongrie de prier pour lui. Un groupe de jeunes pèlerins arrive, chantant le miracle survenu à Rome : ils sont porteurs du bâton pastoral du pape, qui a reverdi.

Sources de l'argument

L'argument de l'opéra mêle plusieurs éléments que l’on trouve répartis dans plusieurs sources dont Wagner disposait dans les années 1830 (voir la liste dans la Bibliographie). L'argument est fondé sur deux légendes germaniques, celle de la Guerre des Chanteurs au château de la Wartburg, d'une part, et la Ballade de Tannhäuser, d'autre part, avec insertion du concours de chant entre le retour de Tannhäuser du Venusberg et sa visite au pape. Wagner y mêle la légende de Sainte Élisabeth de Hongrie, très librement remaniée.

Les personnages sont pour la plupart des personnages historiques de la littérature allemande du XIIIe siècle : Tannhäuser est un Minnesänger, dont les dates exactes de naissance et de mort sont inconnues, mais dont l’activité est attestée dans la période 1245-1265 ; Wolfram von Eschenbach (ca. 1160/80-ca. 1220) ; Walther von der Vogelweide (ca. 1170-ca. 1230) ; Reinmar von Zweter (ca. 1200-ap. 1248) ; Heinrich der (tugendhafte) Schreiber, dont l’activité est connue dans la période 1208-1228 ; Biterolf, poète dont l'existence n'est pas fermement attestée, mentionné par Rudolf von Ems (ca. 1200-1254 ?) dans son épopée Alexandre comme l'auteur d'une légende sur Alexandre et de textes de chansons.

Analyse musicale

Durée

Selon les interprétations, Tannhäuser dure entre 2 h 50 et 3 h 30 environ. Les durées suivantes ont été notées : 2 h 50 (Otmar Suitner, Bayreuth, 1964) et 3 h 28 (Siegfried Wagner, Bayreuth, 1904).

Liste de pièces célèbres

Pièces orchestrales
  • Ouverture
  • Bacchanale du Venusberg
Pièces vocales
  • Hymne à Vénus (Tannhäuser, acte I, scène 2)
  • Chœur des pèlerins (acte I, scène 3 ; acte III, scène 1)
  • Air d'entrée d'Elisabeth (Elisabeth, acte II, scène 1)
  • Prière d'Elisabeth (Elisabeth, acte III, scène 2)
  • Romance à l'Étoile (Wolfram, acte III, scène 2, « Ô du mein holder Abendstern »)
  • Récit de Rome (Tannhäuser, acte III, scène 3)

Thèmes musicaux

Selon Albert Lavignac, les principaux leitmotifs de Tannhäuser sont au nombre de cinq. Au cours de l’œuvre, ils sont présents aux moments indiqués dans le tableau suivant[3]. Il y a lieu d’ajouter certains thèmes importants et célèbres que Lavignac ne fait pas figurer dans le tableau, à savoir ceux, dit-il, « ayant un caractère indépendant, qui sont dans la mémoire de tous, et d’une riche abondance dans Tannhäuser », tels que le Chœur des Pèlerins ou l’Hymne à Vénus.

TANNHÄUSER

PRINCIPAUX LEITMOTIFS (*)
Ouver-
ture
1er ACTE 2e ACTE 3e ACTE
[Pr.= Prélude] 1er tabl. 2e tabl. Pr. Pr.
SCÈNES : 1 2 3 4 1 2 3 4 5 1 2 3 4 5
Le Venusberg .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Le Chœur des Pèlerins .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Élisabeth .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
La Romance de Wolfram .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
La Damnation .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..

(*) L’ordre de présentation des leitmotifs est celui de leur première apparition intégrale.

Instrumentation

Instrumentation de Tannhäuser
À l’orchestre Musique de scène
Cordes
premiers violons, seconds violons,
altos, violoncelles, contrebasses,
1 (+1) harpe,
0 (+1) harpe.
Bois
3 flûtes, 1 piccolo (partie prise par la 3e flûte)
2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons,
1 cor anglais, 4 flûtes, 2 piccolos,
4 hautbois, 6 clarinettes, 6 bassons.
Cuivres
4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, 1 tuba, 12 cors, 12 trompettes, 4 trombones.
Percussions
2 (+1) timbales, 1 triangle,
1 paire de cymbales, 1 tambourin, 1 grosse caisse,
0 (+1) paire de castagnettes,
1 triangle,
1 paire de cymbales, 1 tambourin.
 

Légende : les nombres entre parenthèses indiquent les instruments ajoutés dans la version de Paris, 1861.

Analyse détaillée

Voir Albert Lavignac[4].

Ouverture

Fichier audio
Ouverture de Tannhäuser
noicon
par le U.S. Marine Band pour l’album Director's Choice (14:27)
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L'ouverture est un résumé de l'opéra : d'abord, exposition andante maestoso de la mélodie du chœur des pèlerins en crescendo, qui s'éteint ensuite progressivement. Sans transition, un allegro expose le leitmotiv du Venusberg. Puis, de plus en plus théâtralement, résonne le leitmotiv du chant passionné de Tannhäuser, accompagné par la musique exprimant les menaces des chevaliers, pour atteindre son apogée dans un molto vivace mouvementé. La suite diffère selon les versions :

  • Version de Dresde, 1845 : l'ouverture se termine avec le thème du chœur des pèlerins, qui revient majestueusement assai stretto en crescendo (exprimant le pardon final accordé enfin au héros) pour déboucher sur une brève et magistrale coda più Stretto.
  • Version de Paris, 1861 : enchaînement avec un ballet, la Bacchanale du Venusberg.

Histoire

Wagner a remanié Tannhäuser plusieurs fois. Un mois avant sa mort, « il dit qu'il doit encore au monde Tannhäuser[5]. »

Il y a quatre versions.

Version Dates Représentations Évolutions
Version de Dresde Esquisse en prose : -début
Livret : juillet 1842-avril 1843,
Aussig, Teplice et Dresde
Création

Dresde
« Grand opéra romantique en trois actes »
Musique : -, Teplice et Dresde
Deuxième version de Dresde Livret : printemps 1847, Dresde À partir de la deuxième représentation Réduction de la longueur du solo du pâtre (acte I).
Réduction de la longueur du prélude de l’acte III.
1846 : réapparition de Vénus dans le finale (ajout d’une courte scène)
1847 : le cortège funèbre d’Elisabeth est rendu visible.
Musique : -, Dresde, et septembre 1851, Zurich
Dédicace à Camille Érard.
Version de Paris Livret : septembre 1859-mars 1861, Paris
opéra Le Peletier, Paris
« Opéra en trois actes », en langue française. Traduction de Charles Nuitter supervisée par Wagner[Note 1]
Remplacement de la pantomime, après l’ouverture, par un ballet, La Bacchanale du Venusberg (ajout d’une scène I de l’acte I). Ajout de personnages : les trois Grâces, des adolescents, de petits amours, satyres et faunes.
Réécriture (en français) de l’intervention de Vénus (acte I, scène 2)
Nom de Wolfram : « von Eschinbach » devient « von Eschenbach ».
Musique : août 1860-, Paris
Version de Vienne Livret : , Vienne, et printemps 1865, Munich
Vienne
« Action en trois actes », en langue allemande (« action » traduit « Handlung »)
Texte (allemand) revu sur la version (française) de Paris
Suppression de la fin de l’ouverture pour permettre une transition souple avec la Bacchanale du Venusberg.
Musique : à partir de l’été 1861

Deux versions sont jouées couramment, en langue allemande : 1°) la deuxième version de Dresde (appelée par approximation « version de Dresde ») ; 2°) la version de Vienne (appelée par approximation « version de Paris »). Certaines productions choisissent des versions hybrides, obtenues en sélectionnant différentes variantes élémentaires dans les deux versions.

Écriture et composition

Wagner a indiqué, dans deux œuvres, les lectures qui sont à l'origine du livret : Une communication à mes amis, en 1851, et son autobiographie, Ma Vie, en 1866/67. Les sources dont il a pu disposer dans les années 1830 figurent dans la section Bibliographie, incluant le poème de Heine qu’il ne mentionne pas.

Extraits de Une Communication à mes amis, 1851

[Une Communication à mes amis, trad. J.-G. Prod'homme et F. Caillé, tome VI, p. 63-64]

[...] J'étais dans cette disposition d'esprit, quand me tomba entre les mains le livre populaire allemand de Tannhæuser ; cette figure merveilleuse, que créa la muse du peuple, s'empara de moi avec la plus grande violence ; mais elle le pouvait alors [à bon droit]. Certes le Tannhæuser n'était nullement un personnage nouveau pour moi ; depuis longtemps, le récit de Tieck me l'avait fait connaître. Il avait alors éveillé en moi des dispositions mystiques, ainsi que l'avaient fait dans ma jeunesse les contes d'Hoffmann, mais sans provoquer pourtant mon instinct artistique. Je relus donc le poème moderne de Tieck et compris pourquoi j'étais demeuré froid devant son mysticisme coquet et son catholicisme frivole, maintenant que m'apparaissait dans le livre populaire et dans le naïf lied de Tannhæuser, dans l'authentique et simple poème populaire, le personnage de Tannhæuser sous ses traits si nets et si immédiatement compréhensibles. — Mais ce qui surtout m'attira irrésistiblement, ce fut le lien, pourtant très lâche, que je découvris, dans le livre populaire, entre le Tannhæuser et la « Guerre des Chanteurs à la Wartburg ». J'avais entendu parler aussi de cet épisode poétique que j'avais lu autrefois dans Hoffmann, dont le récit ne m'avait alors pas impressionné autrement que celui de Tieck. Mais voici que le hasard me mettait sur la trace du récit le plus simple et le plus authentique de cette guerre des chanteurs dont toute l'atmosphère me rappelait avec tant d'infini la patrie ; cela me conduisit à étudier le poème haut-allemand de la Guerre des Chanteurs, que par bonheur un philologue allemand de mes amis, qui se trouvait l'avoir en sa possession, put me procurer.

 
Extraits de Ma Vie, 1866/67

[Ma Vie, vol. I, p. 356-357]

[...] Obéissant à l'impulsion inconsciente qui me poussait vers tout ce qui me paraissait germanique, je ne saisis tout le charme de cette impulsion qu'après avoir lu le simple récit de la vieille légende de Tannhäuser. Je connaissais, il est vrai, déjà les éléments divers de ces épisodes que j'avais trouvés dans le Phantasus de Tieck, mais ils m'avaient ramené plutôt vers le genre fantastique qu'Hoffmann m'avait fait aimer, et je n'avais pas songé à chercher dans cette histoire le sujet d'une œuvre dramatique. Ce qui fit pencher à présent la balance du côté du livre populaire, c'est qu'on y racontait, en passant, la part qu'avait prise Tannhäuser au « Tournoi poétique de la Wartburg ».

Je connaissais aussi ce dernier récit par le conte d'Hoffmann, Les Frères de Sérapion. Seulement, je sentais que le motif en avait été fortement altéré par le poète, et je m'efforçai de trouver des éclaircissements sur la trame véritable de cette attrayante légende. Lehrs m'apporta alors un numéro des Mémoires de la Société allemande de Königsberg, dans lequel Lukas parlait en détail du Wartburg Krieg et en donnait le texte dans une langue primitive. Je ne pouvais pas me servir, pour ainsi dire, de cette forme ancienne, mais elle me montra le Moyen Âge allemand sous un coloris caractéristique dont je n'avais encore aucune idée.

[Ma Vie, vol. II, p. 3-4]

À cette époque (), le voyage de Paris à Dresde durait encore cinq jours et cinq nuits. [...] L'unique échappée lumineuse de ce trajet fut l'apparition du Wartburg, baigné des seuls rayons de soleil dont nous jouîmes sur toute notre route. L'aspect de ce château, qui assez longtemps se présente très favorablement aux voyageurs venant de Fulda, me réchauffa extraordinairement le cœur. Non loin de là, j'aperçus une crête de montagne que je baptisai sur-le-champ de « Horselberg », et, tout en roulant dans la vallée, je montais en imagination la scène du troisième acte de mon Tannhäuser. J'en conservai une mémoire si précise que plus tard le peintre Despléchiens en put exécuter les décors à Paris d'après le plan que je lui en fournis.

[Ma Vie, vol. II, p. 14-15]

[...] j'entrepris, suivant mon ancienne habitude, une excursion à pied dans les montagnes de la Bohême. Je voulais travailler au plan de mon Venusberg sous les agréables impressions de cette course.

Je me laissai tenter par le site si pittoresque de Schreckenstein, près d'Aussig, et m'arrêtai dans une petite auberge où, chaque soir, on m'arrangea une litière de paille dans l'unique salle. L'ascension journalière de la Wostrai, la plus haute cime de la contrée, me rajeunissait, et cet isolement romantique réveilla à tel point la fougue de ma jeunesse que, par un beau clair de lune et seulement enveloppé de mon drap de lit, je grimpai dans les ruines du Schreckenstein pour me donner à moi-même l'illusion du revenant que j'aurais voulu y voir. En même temps, je me délectais à la pensée que peut-être quelqu'un m'apercevait ainsi de loin et tremblait d'épouvante.

C'est là que dans mon calepin je notai le plan détaillé d'un opéra en trois actes, le Venusberg. Plus tard, en écrivant le livret, j'ai suivi exactement ce plan.

À l'une de mes escalades de la Wostrai, j'entendis soudain, au tournant du vallon, un pâtre qui, étendu dans l'herbe, sur une hauteur, sifflait un joyeux air champêtre. Je me figurais aussitôt que je me trouvais dans le cortège des pèlerins qui passent dans la vallée, près du berger. Cependant il me fut impossible de me rappeler plus tard la mélodie du pâtre et je dus m'aider moi-même, selon ma méthode habituelle. [...]

[Ma Vie, vol. II, p. 70]

En mai déjà [1843], à mon trentième anniversaire, j'avais achevé le poème de mon Venusberg (c'est le nom que je donnais alors à Tannhäuser). À cette époque, je n'étais pas arrivé encore à étudier véritablement la poésie du Moyen Âge ; je n'en connaissais le caractère classique que par mes souvenirs de jeunesse et aussi par les communications toutes superficielles que je devais à Lehrs, à Paris.

[Ma Vie, vol. II, p. 136-137]

Meser éprouvait une telle aversion pour le titre de Venusberg (mont de Vénus), qu'il parvint à me le faire changer. Il prétendait que, ne fréquentant pas le public, j'ignorais les mauvaises plaisanteries auxquelles on se livrait sur ce titre et qui provenaient certainement des professeurs et des étudiants de la clinique médicale de Dresde, car elles reposaient sur un jeu de mots obscène qu'eux seuls comprenaient à l'origine. Il suffit à Meser de me citer ce jeu de mots répugnant pour que j'accomplisse le changement désiré. Je joignis alors au nom de mon héros le nom d'une légende étrangère au mythe de Tannhäuser : le Tournoi poétique du Wartburg, et je mis celui-ci en étroite relation avec l'histoire de Tannhäuser. Cette conjonction mécontenta malheureusement l'historien Simrock, savant et traducteur estimé dont je faisais grand cas.

 

Création, 1845

Livret de Tannhäuser,
1845, année de la création.

Tannhäuser fut créé le [6] au Königlich Sächsisches Hoftheater (Opéra royal de la cour de Saxe) de Dresde, sous la direction de Wagner, avec sa nièce Johanna dans le rôle d’Elisabeth.

Représentations de Paris, 1861

Le [6], l'opéra fut représenté en version française à l'Opéra de Paris, grâce à la princesse autrichienne Pauline von Metternich, belle-fille du fameux chancelier Autrichien et épouse de l'ambassadeur d'Autriche en France, très engagée dans la vie culturelle et mondaine du Second empire.

Affiche pour la première de Tannhäuser à l’opéra de Paris,
le 13 mars 1861.

Richard Wagner fit apparaître le Grand Ballet au premier acte. La direction de l'Opéra de Paris recommanda à Wagner de le faire apparaître de préférence au deuxième acte de façon que les membres du Jockey Club qui arrivaient après le premier acte, après le dîner, puissent voir leurs petites protégées du ballet. Wagner, par souci artistique, ne changea rien, ce qui déclencha une violente opposition de la part des habitués du Jockey Club qui sifflèrent lors des représentations[7].

Il n'y eut que trois représentations, les 13, 18 et , ce qui fit perdre à Wagner beaucoup d'argent mais lui assura une renommée mondiale, ce scandale étant repris par la presse internationale.

Réception

Avant 1861
  • Franz Liszt publie un article sur Tannhäuser dans Le Journal des Débats politiques et littéraires le . C'est la première publication révélant l'importance de Wagner aux Français. Texte de l'article sur wikisource.
  • Gérard de Nerval, qui a assisté à la première de Lohengrin à Weimar, le , publie un compte rendu dans la presse : « C'est un talent original et hardi qui se révèle à l'Allemagne et qui n'a encore dit que ses premiers mots ». Voir texte de Lorely, ch. « Lohengrin » sur wikisource.
  • Henri-Frédéric Amiel rend compte dans son Journal intime de la représentation du à Genève, exécutée au théâtre par la troupe allemande de Zurich.
  • Théophile Gautier va en 1857 à Wiesbaden en compagnie de plusieurs écrivains et musiciens français, notamment Ernest Reyer. Il évoque ce voyage dans L'Artiste, . C'est lors de ce voyage qu'il assiste à une représentation de Tannhäuser, à la suite de laquelle il écrit l'article Richard Wagner et Tannhäuser, publié dans Le Moniteur Universel le .
  • À Paris, l’ouverture de Tannhaeuser est exécutée en concert en 1858 : voir la boîte déroulante ci-dessous.
Article d’Albert de Lasalle dans l’hebdomadaire Le Monde illustré du 13 février 1858
CONCERTS DE PARIS : L'ouverture de Tannhauser

— Il n'y pas bien longtemps, l'Allemagne voyait surgir, avec tout l'inattendu d'une apparition romantique, un musicien à l'âme ardemment éprise de formes nouvelles et imaginaires qu'il voulait un peu brutalement imposer à son art, dans un but de régénération dont personne autre que lui, peut-être, ne ressentait le besoin. C'était Richard Wagner ; il arrivait sans dire : « Gare ! » il montrait tout à nu, dans sa tapageuse partition de Tannhauser, ce que son cerveau incandescent pouvait enfanter d'extravagances et de diableries de toutes sortes. Il voulait, comptant sur ce coup de massue et se prenant apparemment pour quelque vengeur de l'oreille publique, anéantir dans l'oubli tout le passé de la musique et édifier en vainqueur un monument triomphal dont il se disait l'architecte inspiré. Il se croyait audacieux et il n'était que téméraire. Pourtant, autour de son nom, comme autour d'un drapeau, se groupa bientôt une pléiade de jeunes enthousiastes qui, d'emblée, le proclamèrent le grand soleil musical. Pour une contre-école plus sobre, plus modeste dans ses aspirations et qui représente le parti de la résistance, Wagner n'est autre chose que le génie des ténèbres, que le compositeur à la muse estropiée. De là, discussion, échange d'épithètes, et l'Allemagne voit revivre ainsi ces antiques querelles, où les théories ennemies puisaient de nouvelles forces dans la conviction qui les mettait en jeu, sortes de tournois artistiques où les champions, par l'entre-choquement de leurs idées, ne manquaient jamais de faire jaillir de lumineuses étincelles.

En fin de compte, Tannhauser n'a pas encore fait le tour du monde, comme des prédictions un peu bienveillantes l'avaient annoncé ; après avoir fait le tour de l'Allemagne, comme un enfant essaye ses premiers pas autour de son berceau, la jeune partition est venue s'abattre sur les Concerts de Paris, et encore ne peut-on y jouer que l'ouverture ; c'est là sa première étape en France et il faut, à cette occasion, savoir gré à M. Besselièvre de son initiative. C'est, en effet, un curieux morceau d'orchestre que cette ouverture bizarre qui procède par une suite de dissonnances dont l'abus, dont l'excès de romantisme produit quelquefois des effets étranges. Si nous en avions le loisir et l'espace, nous voudrions chercher à expliquer quelle attraction la dissonance exerce sur la consonnance, quels sont les rôles respectifs de ces deux puissances harmoniques ; nous voudrions essayer de démontrer que la répartition habile, la juste pondération de l'une et de l'autre peut seule satisfaire à toutes les sensualités de l'oreille.

 
  • Début 1860, voulant faire connaître sa musique aux Parisiens en prévision des représentations à l’opéra Le Pelletier, Wagner dirige une sélection de ses œuvres[8] à trois reprises (25 janvier, 1er et 8 février) au Théâtre-Italien (l’actuelle salle Favart), parmi lesquelles des extraits de Tannhäuser (Marche et Chœur, Introduction du 3e acte et chœur des Pèlerins, Ouverture). Berlioz en fait le compte rendu, voir Concerts de Richard Wagner, la musique de l’avenir.
À l'occasion des représentations à l'opéra de Paris ()
  • Auguste de Gaspérini, annonce « l’événement musical de la saison » dans la Revue fantaisiste,  : voir la boîte déroulante ci-dessous. texte sur Gallica
Article d’Auguste de Gaspérini, dans le bimensuel Revue fantaisiste, , p. 189-191.

Quand paraîtra cette Revue, nous aurons assisté à l’événement musical de la saison, à l’une des plus importantes manifestations de l’art à notre époque : la représentation du Tannhäuser à l’Opéra. On a tant parlé du Tannhäuser et du compositeur dans ces derniers temps ; on a raconté avec tant de complaisance, — en les amplifiant ou en les dénaturant le plus souvent, — les moindres particularités de ce laborieux enfantement, que nous aimons mieux, pour aujourd’hui, attendre et nous abstenir. Hier soir dimanche, a eu lieu, presque à huis clos, la dernière répétition générale, et c’est mercredi, , que l’opéra de Wagner fait décidément son apparition sur notre première scène lyrique.

Nous attendons cette solennité avec une grande impatience ; il nous tarde de savoir comment le public français, en face, d’une œuvre sérieuse qu’il faudra suivre d’une attention soutenue, va accueillir la hardiesse de l’innovateur. Nous savons bien que le public de l’Opéra n’est pas le même que le public des Italiens, et qu’il n’accepterait pas les poèmes ineptes, les fables monstrueuses, la musique d’ordinaire si vide qu’on offre aux habitués de la salle Ventadour. Nous voulons même espérer que le parterre de l’Opéra se laissera prendre à une conception grandiose qui intéresse à la fois ses sens, son cœur, son intelligence ; qu’il suivra un développement dramatique, clair, logique, saisissant ; qu’enfin il se laissera entraîner, malgré ses défiances, à ce torrent musical qui emporte tout. Mais, enfin, et cela nous effraye, il faut écouter… C’est toute une éducation musicale à faire.

Il y a, assure-t-on, dans l’orchestre de l’Opéra, des musiciens qui ont condamné l’œuvre de Wagner sans rémission, parce qu’elle dérange singulièrement leurs habitudes. D’ordinaire, on joue sa partie, qu’on sait par cœur après deux répétitions, avec une nonchalance fort agréable ; on peut, tout en faisant son devoir à la représentation, jeter sur la salle un coup d’œil de connaisseur. Il ne s’agit plus de cela aujourd’hui. Chaque instrument a sa besogne marquée, qui ne lui permet pas le moindre écart ; dans cette grande mêlée, tous les soldats donnent, et sont sans relâche sur la brèche. C’est rude ; mais le salut de l’œuvre est à ce prix.

Voilà bien des révolutions ! Nous raconterons fidèlement à nos lecteurs, dans notre prochaine revue, le sort de cette journée.[……]

A. DE GASPERINI

 
  • Des exemples de réactions de la critique musicale dans la presse parisienne, dans la seconde quinzaine de  : voir la boîte déroulante ci-dessous.
Articles de Jules Lecomte et Albert de Lasalle, dans l’hebdomadaire Le Monde illustré, 16 et

[Dans l'écriture du nom « Tannhäuser », on a corrigé en « ä » le deuxième « a » quand il est écrit « a », « æ » ou « œ » dans l'article original.]

Le Monde illustré, no 205, , rubrique Courrier de Paris, signée Jules Lecomte, p. 163

... P.S. Nous avons eu enfin, hier au soir, ce fameux TANNHÄUSER dont il avait été tant et trop parlé. La salle, fort brillante, contenait bon nombre des illustrations de Paris. S.M. l’Empereur est arrivée après la première partie du premier acte. Il y avait aussi au parterre beaucoup d’Allemands, renforçant, par amour de l’art, une claque qui n’est pas toujours animée par l’amour du beau. M. Albert de Lasalle vous dira samedi prochain ses impressions de compositeur sur cette œuvre étrange, et nos quelques lignes, tracées sur le marbre de l’imprimerie, lorsque va commencer le tirage du journal, n’engagent pour ainsi dire que le rédacteur d’une épitaphe qui croit écrire sur le marbre d’un tombeau ; - car, pour lui, le Tannhäuser a commencé à agoniser dès son premier soupir chez nous. Il semble chanter lui-même, par toutes les voix qui s’y confondent, sa propre et déplorable oraison funèbre, sa messe en noir ; ce n’est pas un opéra, c’est un De Profundis.

En vain notre premier théâtre a-t-il entouré cette œuvre baroque de tout le luxe qu’il peut déployer à prix d’or ; en vain lui a-t-il prodigué les plus beaux décors que vit peut-être jamais l’Opéra, et en vain aussi de vaillants virtuoses ont-ils rivalisé de zèle avec l’orchestre : un ennui profond, pénétrant, irrésistible, que n’a pas combattu une première curiosité, a plané sur cette soirée plus triste que mémorable, et signalé par un genre de protestation inconnu jusqu’à ce jour à l’Opéra. Tannhäuser psalmodiera son antienne pendant quelques soirs, pour satisfaire quelques intrépides curieux, après quoi il remportera, au-delà du Rhin, les harpes comiques qu’il n’avait aucun motif pour faire défiler chez nous. Amen.

Le Monde illustré, no 205, , rubrique Scène de Tannhäuser, signée Albert de Lasalle, p. 166

Tannhäuser aura peut-être été le plus grand événement musical et dramatique dont Paris conservera le souvenir. En attendant que nous puissions rendre compte à nos lecteurs des impressions que nous causera l’audition de cette œuvre excentrique et si diversement appréciée, nous avons voulu en donner un avant-goût ; et, pour cela, nous avons appelé à notre aide le crayon de nos dessinateurs.

La scène, dont la gravure ci-contre reproduit l’aspect, est la scène quatrième du second acte. On pourrait l’appeler le Tournoi des chanteurs. En effet, le Landgrave au milieu de son palais de Wartburg, et environné de sa cour, a convoqué, pour leur donner une marque éclatante de sa munificence, une troupe de troubadours, parmi lesquels on distingue Tannhäuser. Les chants commencent... Mais bientôt la discorde se met dans l’assemblée ; Biterolf, Wolfram et Walter exaltent l’amour platonique, tandis que Tannhäuser dit les louanges de l’amour sensuel.

La situation est très-belle et a un grand cachet de nouveauté. Elle est surtout très-propre à inspirer le compositeur, et nous dirons prochainement quel parti en a tiré M. Wagner.

En attendant, admirons le décor qui encadre cette scène capitale, et dont les perspectives profondes, l’éclat de la couleur, la richesse des détails d’ornementation dépassent peut-être toutes les magnificences que l’Opéra a déjà produites en ce genre. Et ce n’est pas tout ; un intérêt autre se rattache encore à cette toile magistrale ; car elle est la copie fidèle du fameux palais de Wartburg où résidèrent pendant une partie du Moyen Âge les landgraves de Thuringe. C’est aussi dans le château de Wartburg que Luther, enfermé pendant un an, travailla à la traduction de la Bible. D’après une légende très-accréditée en Allemagne, le diable ayant apparu au célèbre réformateur, celui-ci lui aurait jeté son encrier ; et l’on montre encore aux voyageurs qui passent à Wartburg les traces de ce fantastique combat.

Le Monde illustré, no 206, , rubrique CHRONIQUE MUSICALE, signée Albert de Lasalle, p. 191-192

Avait-on jamais vu à Paris un opéra écrit dans le style pompeux et avec les plus grandes prétentions à l’épopée, obtenir un succès de fou-rire ?… Je consulte les annales de notre Académie de musique et je ne trouve rien de semblable ; j’ai beau chercher, compulser, feuilleter encore, c’est comme si je m’obstinais à découvrir celui des vaudevilles de Ravel ou d’Arnal qui a plongé le public dans la mélancolie et les larmes.

Il faut donc retenir la date du  ; c’est celle de la première représentation de Tannhäuser, et elle inaugure l’ère du rire comme moyen de critique dans les théâtres sérieux.

Et pourquoi cette hilarité qui, au premier abord, semble grossière et déplacée ? D’où vien que M. Wagner, après avoir épuisé notes et rimes dans le récit d’une histoire qui n’est rien moins que solennelle et élégiaque, ait pu toucher sans le vouloir la corde comique ? Ah ! voilà !..... Il vous est peut-être arrivé de rencontrer sur votre route un passant qui se faisait remarquer par ses grands airs d’importance, sa démarche assurée et son regard hautain qu’il promenait sur tout le monde avec une sorte de curiosité dédaigneuse ? Tout d’un coup, le malheureux glisse et tombe… S’il n’eût fait que trébucher vous auriez couru vers lui pour le secourir ; mais non, la situation est sans remède ; votre homme est bien tombé et le plus platement, le plus ridiculement du monde. Alors vous avez été pris d’un rire involontaire, nerveux, convulsif et que la pitié même n’a pu arrêter.

Eh bien ! le public de l’Opéra, devant M. Wagner, n’est-il pas un peu dans le même cas ? Depuis une quinzaine d’années le bruit qu’on faisait en Allemagne autour du prétendu musicien de l’avenir, était parvenu jusqu’à nous ; ses adorateurs qui, il est vrai, compensaient leur petit nombre par toutes les fureurs de l’enthousiasme, avaient fait de lui je ne sais quel prophète ou plutôt je ne sais quel messie qui allait régénérer l’art caduc de Mozart et de Beethoven, de Weber et de Rossini. Il fallait bien un peu croire à toutes ces belles choses qu’on vous racontait parfois avec attendrissement ; et c’est ce qui est arrivé pour le plus grand malheur de M. Wagner, ainsi précédé à Paris par une énorme, mais dangereuse réputation.

Quand l’auteur de Tannhäuser s’est révélé pour la première fois à nous dans les trois concerts qu’il donna l’année dernière au Théâtre-Italien, l’heure n’était pas encore venue de porter sur son œuvre un jugement définitif. Aussi avons-nous pris soin de n’en rien faire ; car l’étrangeté d’une pareille musique nous avait jeté dans un tel trouble que nous avons cru prudent de nous en tenir au doute jusqu’au jour de la grande initiation. Nous aimions à nous figurer qu’au milieu du chaos sonore dont nous avions subi l’audition, il se trouvait des beautés que la représentation théâtrale mettrait en lumière ; même nous nous sommes bravement lancés à leur découverte en nous munissant d’une partition de Tannhäuser, que nous avons analysée avec soin. Mais ce travail de patience, qui nous a procuré la vue de fantastique hiéroglyphes, ne nous a point précisément converti à la manière de M. Wagner. Bien plus, le doute dans lequel nous avions voulu nous renfermer a fait place à des appréhensions qui – hélas ! – ne sont aujourd’hui que trop justifiées.

D’ailleurs, qu’on veuille bien nous dire en quoi consiste le système de M. Wagner ? Nous serions charmé de l’apprendre, nous qui n’avons pu distinguer l’ombre d’une doctrine, la plus légère apparence d’un parti pris quelconque dans ce pompeux brouhaha qu’on appelle Tannhäuser. Avant de se dire réformateur, et de se poser en démolisseur du passé, il importerait pourtant de déclarer où l’on veut en venir. Vous supprimez ceci, vous condamnez cela, mais que prétendez-vous mettre à la place ? Voilà la grande question qu’on a le droit d’adresser à tout novateur. Si M. Wagner croit y avoir répondu avec le singulier specimen qu’il nous a fait entendre, il se trompe étrangement ; car sa musique semble nier la musique même, puisqu’elle en repousse les éléments les plus indispensables.

La mélodie, en effet, c’est-à-dire le dessin, l’idée, est presque totalement absente du Tannhäuser, ou ne s’y montre que par fragments souvent sans figure ni intérêt quelconque. C’est là un défaut capital, et nous pourrions borner notre critique à le signaler. Mais ce n’est pas tout, et une erreur plus grave peut-être – car c’était une erreur de logique – domine encore la partition. Je veux parler du manque de proportion, de méthode, en un mot, de l’absence de plan arrêté qui se fait sentir depuis la première note jusqu’à la dernière, et condamne l’esprit à une véritable souffrance.

Donc, aucune division, aucun repos dans cette musique qui me fait l’effet d’un discours sans exorde, développement, ni péroraison. On s’étonne qu’une partie du système de M. Wagner consiste à s’affranchir de cette loi primordiale qui veut que chaque chose en ce monde ait son commencement, son milieu et sa fin, et que ces trois périodes présentent chacune des caractères particuliers et une tendance spéciale.

Cette impression vague et pleine de malaise qui vous saisit à l’audition de Tannhäuser, nous pourrions d’ailleurs en surprendre le secret dans les procédés harmoniques qu’emploie M. Wagner, et qui sont, en quelque sorte, la glorification de la dissonance au détriment de la consonance. L’équilibre qui doit présider aux fonctions de ces deux éléments s’est trouvé ainsi rompu, et cette licence prolongée au-delà des bornes a jeté un grand désordre dans la trame harmonique de M. Wagner ; or, si je ne me trompe, le désordre en musique a nom cacophonie. Ne pourrait-on pas comparer l’emploi de la dissonance à celui de certains poisons qui sont salutaires, si on les prend à petites doses, mais qui tuent immanquablement s’ils sont administrés en quantités plus grandes ?

On a cherché aussi à faire un mérite à M. Wagner d’une prétendue recherche de la vérité dans l’expression scénique, mais ce n’est point encore sous ce rapport que brille Tannhäuser ; et pour se convaincre de l’imprudence de cette assertion, il suffit d’écouter, - si on en a la force, - ce que l’auteur fait chanter à Vénus. La déesse des voluptés s’exprime dans le langage d’un sauvage affamé ou d’une sorcière un jour de sabbat ; elle se fait accompagner par le tonnerre des instruments de cuivre et le ricanement de la petite flûte ; c’est un déchaînement de tout l’orchestre à propos d’amour. Je ne sais pas si on peindrait autrement l’éruption d’un volcan ?

Un des passages où s’est le mieux accusé le prétendu système de M. Wagner, c’est cette grotesque psalmodie que chante un pâtre (vers le milieu du premier acte) et dont les accompagnements de hautbois ont commencé à mettre le public en gaieté. Cela n’a pas de forme appréciable ; bien entendu, ce n’est pas une mélodie, mais c’est encore moins une mélopée ou un récitatif. Chacun peut s’en donner facilement une idée sans même prendre la peine d’aller jusqu’à l’Opéra. Il suffit de se faire bander les yeux, puis de promener ses doigts au hasard sur le clavier d’un piano, et le résultat obtenu différera peu de la plaisanterie en question. – Que dire du tournoi des chanteurs où ce qui manque le plus, c’est justement le chant ? du finale du second acte, ce chœur strident et barbare, où les voix se mêlent et se heurtent d’une si plaisante façon, qu’on dirait une meute au plus fort de la chasse ? Que penser encore de la prière d’Elisabeth et du languissant récit de Tannhäuser, revenant de Rome et racontant son voyage avec un soin de détails qui tombe dans la puérilité ?... Toutes ces choses sont tellement baroques, qu’il ne faut pas s’étonner si les mots manquent pour en donner une idée suffisante.

Mais, anomalie singulière ! M. Wagner – daignant faire quelques concessions au passé ! – a consenti à intercaler, au milieu de toutes ces extravagances, deux ou trois morceaux qui se présentent d’une manière plus lucide et sont les seuls échantillons de musique que contienne cette longue et diffuse partition de Tannhäuser. On vous aura sans doute déjà parlé de la marche ; le style en est très-grand, la mélodie ample, le rythme bien marqué et l’harmonie heureuse. (On voit que nous faisons comme le public qu’on n’accusera pas d’avoir eu un parti pris contre M. Wagner, puisque cette marche fameuse a été applaudie avec enthousiasme.) Il faut encore noter le chœur des pèlerins, quoiqu’il n’ait pas à la scène toute la portée que nous lui supposions, quelques mesures du septuor à la fin du premier acte, et l’hymne à l’étoile, dont on aurait mieux saisi les curieuses harmonies, si elle eût été encadrée convenablement. Mais voilà toute la récolte à faire à travers cette prétendue terre-promise, qui n’est qu’un Sahara infertile et aride.

La légende dont M. Wagner s’est confectionné un livret est d’une simplicité élémentaire. Tannhäuser, qui en est le héros, se trouve combattu entre l’amour sensuel dont il brûle pour la déesse Vénus et l’amour idéal que lui a inspiré Elisabeth, fille du landgrave de Thuringe. Vénus l’emporte d’abord ; mais l’inconstant troubadour se convertit aux charmes d’Elisabeth et aspire à l’épouser, ce qui l’oblige à aller à Rome chercher le pardon de ses fautes. Quand il revient en Thuringe, la mort a surpris Elisabeth au milieu du chagrin d’une attente trop prolongée.

Félicitons MM. Niemann, Morelli et Cazeaux, Mmes Tedesco, Sax et Reboux des efforts qu’ils ont faits pour mener à bonne fin la triste et indéchiffrable partition ; n’oublions pas les décorateurs qui ont fait des merveilles, ni même M. Wagner, à qui nous devons un moment de gaieté… C’est si bon de rire !

 
  • P. Scudo, Le Tannhäuser, de M. Richard Wagner, la Revue des deux Mondes, , p. 759-770. Texte de l'article sur Gallica
  • Charles Baudelaire, Richard Wagner et Tannhäuser à Paris, article paru dans la Revue européenne le et repris ultérieurement dans L'Art romantique. Texte de l’article sur wikisource.
  • Richard Wagner, Compte rendu du "Tannhäuser" à Paris (sous forme de lettre), article publié dans le supplément de la Deutsche Allgemeine Zeitung du . Texte de l'article sur wikisource

Traductions du livret en français

  • 1860. Traduction de Charles Nuitter, par révision complète d'une traduction d'Edmond Roche et Richard Lindau. Elle fut utilisée pour les représentations de à Paris ; nouvelle édition, 1934, Texte sur Gallica
  • 1861. Traduction par Challemel-Lacour[9] ; dans Quatre Poèmes d'opéras traduits en prose française, précédés d'une lettre sur la musique, A. Bourdilliat et Cie ; texte sur IA
  • 1896. Traduction par J. Arthur Delpit, Librairie Fishbacher. Texte sur Gallica

Représentations notables

En version de Dresde (1 ou 2)

En version de Paris (3 ou 4)

Tannhäuser
Henri Fantin-Latour, 1886
Cleveland Museum of Art

Distributions

Rôle Voix Création à Dresde
1845
(version de Dresde)
Première à Paris
1861
(version de Paris)
Première à Bayreuth (*)
1891
(version de Paris)
Tannhäuser ténor Josef Tichatschek Albert Niemann Max Alvarn ou Hermann Winkelmann ou Heinrich Zeller
Elisabeth soprano Johanna Jachmann-Wagner Marie Sax[12] Pauline de Ahna ou Elisa Wiborg
Vénus mezzo ou soprano Wilhelmine Schröder-Devrient Fortunata Tedesco Pauline Mailhac ou Rosa Sucher
Wolfram von Eschenbach baryton Anton Mitterwurzer Ferdinand Morelli Theodor Reichmann ou Carl Schneidemantel
Hermann basse Georg Wilhelm Dettmer Cazaux Georg Döring ou Heinrich Wiegand
Walther von der Vogelweide ténor Max Schloss Aymès Wilhelm Grüning
Biterolf basse Johann Michael Wächter Coulon Emil Liepe
Heinrich der Schreiber ténor Anton Curty König Heinrich Zeller et August Wachtel
Reinmar von Zweter basse Karl Risse Fréret Franz Schlosser et Carl Bucha
Jeune berger soprano Anna Thiele Mlle Reboux Emilie Herzog ou Luise Mulder
Quatre pages soprano, alto Mlles Garnier, Christian, Vogler, Renaud

(*) Les chanteurs sont indiqués par Lavignac pour les sept représentations en 1891.

Enregistrements

Voici quelques enregistrements, avec par ordre de citation : chef, chœur et orchestre (date) - Tannhäuser, Elisabeth, Vénus, Wolfram, le Landgrave (éditeur).

Arrangements pour piano

Des arrangements ont été réalisés par plusieurs compositeurs.

  • Karl Klindworth, pour piano et chant, éditeur Schott & Co.
  • Gustav F. Kogel, éditeur Adolph Furstner.
  • August Horn, pour piano seul, éditeur C. F. Meser.

À signaler quelques paraphrases de Franz Liszt : S.442, Ouverture de Tannhäuser (1848) ; S.443, Chœur des pèlerins [1re/2de version] (1861, 1885) ; S.444, Romance à l’étoile (O du mein holder Abendstern) (1848) ; S.445, Deux pièces de Tannhäuser et Lohengrin (1852).

Adaptations

Tannhauser (1913)

Notes et références

Notes

  1. C'est lors de son séjour à Paris, entre 1859 et 1861 à l'Hôtel Beauharnais, alors Légation de Prusse en France, que le compositeur a remanié sa partition avec la collaboration de Charles Nuitter. Le piano Charles Lemme, utilisé par Wagner est toujours visible dans le bâtiment qui est devenu la résidence de l'ambassadeur d'Allemagne en France.

Références

  1. Ô toi ma belle étoile du soir.
  2. Bundesarchiv, Bild 183-2004-0512-501 / CC-BY-SA
  3. Albert Lavignac, Le Voyage artistique à Bayreuth, sur wikisource.
  4. Albert Lavignac, Le Voyage artistique à Bayreuth, p. 290-297, sur wikisource
  5. Journal de Cosima Wagner, 23 janvier 1883.
  6. a et b François-René Tranchefort, L'Opéra, Paris, Éditions du Seuil, , 634 p. (ISBN 2-02-006574-6), p. 196.
  7. Lire à ce sujet « Compte rendu du "Tannhäuser" à Paris (sous forme de lettre de Richard Wagner) », article publié dans le supplément de la Deutsche Allgemeine Zeitung du . Texte de l'article sur wikisource.
  8. Voir le programme sur Gallica
  9. Richard Wagner, Ma Vie.
  10. G. Servières, Tannhæuser à l’Opéra en 1861, Tannhæuser à l’Opéra en 1861, p. 135.
  11. "Tannhäuser: Performance History" in Opera Glass web-site (Université Stanford), accessed 3 November 2015
  12. Marie-Constance Sasse (1834-1907), dite Marie Sax, puis Sass. Source.

Voir aussi

Bibliographie

Publications antérieures à la création

Les sources de l’argument disponibles dans les années 1830 et dont Wagner a disposé, sont les suivantes :

  • Johann Christoph Wagenseil, L'Art divin des Maîtres Chanteurs, in « De sacri Rom.[ani] Imperii libera civitate Noribergensi commentatio ; accedit de Germaniæ Phnascorum, origine, præstantia, utilitate et institutis sermone vernaculo liber », Altdorf, 1697
  • Ludwig Tieck, Le fidèle Eckhart et le Tannenhäuser, nouvelle in « Die Märchen aus dem Phantasus », 1812
  • J.C.S. Thon, Le Château de la Wartburg : contribution à la connaissance des temps anciens (Schloss Wartburg: ein Beytrag zur Kunde der Vorzeit), 1815
  • E.T.A. Hoffmann, Le Combat des chanteurs (Der Kampf der Sänger), nouvelle in « Les Frères de Saint-Sérapion », vol. 2, 1819, troisième section
  • Heinrich Heine, Le Tannhäuser, légende, poème en trois parties, 1836 ; texte en ligne sur wikisource
  • Ludwig Bechstein (présent. par), Les Légendes d'Eisenach et de la Wartburg, de l'Hörselberg et de Rheinhardsbrunn
  • C.T.L. Lucas, À propos du tournoi de la Wartburg, étude, 1838

Publications postérieures à la création

  • Michel Pazdro (dir.), Jean Cabourg, Christophe Capacci, Michel Debrocq, Pierre Flinois, Philippe Godefroid, Stéphane Goldet, François Grandsir, Piotr Kamiński, Lucie Kayas, Fernand Leclercq, Alain Poirier, Pascale Saint-André, Dominique Jameux, Dennis Collins, Françoise Ferlan, Georges Pucher et Dominique Sila, Guide des opéras de Wagner : Livrets — Analyses — Discographies, Fayard, coll. « Les indispensables de la musique », , 910 p. (ISBN 978-2-213-02076-1)
  • Édouard Schuré, Tannhæuser, lettre à M. de Wolzogen sur l’exécution de ce drame, à Bayreuth, en 1891, Librairie Fischbacher, 1892. texte sur wikisource
  • Albert Lavignac, Analyse de Tannhäuser, deux chapitres extraits de Le Voyage artistique à Bayreuth, 1897 ; texte sur wikisource
  • Richard Wagner, Ma Vie, trad. N. Valentin et A. Schenk, 3 vol., Librairie Plon, 1911-12.
  • Gaston Paris, Légendes du Moyen Âge, 3e édition, Hachette, 1908. Chapitre « La Légende du Tannhauser », p. 111 ; texte sur Gallica
  • Alfred Ernst et Élie Poirée, Étude sur Tannhaeuser de Richard Wagner - Analyse et guide thématique, A. Durand et fils - Calmann-Lévy, 1895 ; texte sur Gallica
  • Georges Servières, Tannhäuser à l'Opéra en 1861, Paris, Fischbacher, 1895
  • Paul Boulet, Richard Wagner et le douanier Edmond Roche, Paris, 1951
  • Martine Kahane et Nicole Wild, Wagner et la France, Bibliothèque nationale et Théâtre national de l'Opéra de Paris, éditions Herscher, 1983 (ISBN 2 7335 0059-7)
  • Ilias Chrissochoidis, Heike Harmgart, Steffen Huck, and Wieland Müller, "'Though this be madness, yet there is method in't': A Counterfactual Analysis of Richard Wagner's Tannhäuser, Music & Letters 95:4 (November 2014), 584-602. (By subscription)

Liens externes

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  • Site lamediatheque.be
  • Site poetes.com
  • Site ramifications.be
  • Vincent Teixeira, Richard Wagner et Charles Baudelaire autour de la création de Tannhäuser à Paris en 1861 [PDF]
  • Joris-Karl Huysmans, « L'Ouverture de Tannhäuser », in Croquis parisiens, ch. VII « Paraphrases ». Texte sur wikisource
  • Le scandale de Tannhäuser, émission de radio de Jérémie Rousseau, France Musique, épisode 6/16 de la série « L'Opéra de Paris, toute une histoire ! », dimanche , 59 min, à écouter ici.
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