Couverture par sous-graphes bipartis complets

Exemple de couverture d'un graphe biparti par quatre graphes bipartis complets (chaque couleur représente un sous-graphes).

En théorie des graphes, le problème de couverture minimum par sous-graphes bipartis complets (ou problème de couverture biclique) est un problème algorithmique qui consiste, étant donné un graphe, à trouver une famille minimale de sous-graphes bipartis complets couvrant ses arêtes[1], c'est-à-dire telle que chaque arête du graphe d'origine apparaisse dans au moins un sous-graphe de la couverture.

Le problème de décision associé au problème d'optimisation de couverture par au plus k {\displaystyle k} sous-graphes bipartis complets est NP-complet, et ce même si l'on se restreint à la couverture de graphes bipartis[2].

Couverture par sous-graphes bipartis complets

Définition

Une couverture par sous-graphes bipartis complets d'un graphe G = ( V , E ) {\displaystyle G=(V,E)} est un ensemble { G k = ( V k , E k ) | 1 k n , V k V , E k E } {\displaystyle \lbrace G_{k}=(V_{k},E_{k})|1\leqslant k\leqslant n,V_{k}\subseteq V,E_{k}\subseteq E\rbrace } de sous-graphes bipartis complets de G {\displaystyle G} tel que pour toute arête e {\displaystyle e} de G {\displaystyle G} , il existe un entier k [ [ 1 , n ] ] {\displaystyle k\in [\![1,n]\!]} tel que e E k {\displaystyle e\in E_{k}} (ces sous-graphes ne sont pas nécessairement deux à deux disjoints).

Propriétés combinatoires

Nombre minimal de sous-graphes couvrants

Exemples de graphes à respectivement 4 et 5 sommets où l'égalité b ( n ) = b ( G ) {\displaystyle b(n)=b(G)} est réalisée. Chaque couleur indique un sous-graphe biclique.
On remarque que dans le graphe de gauche, les sous-graphes ne sont pas disjoints.

Étant donné un graphe G {\displaystyle G} , on note b ( G ) {\displaystyle b(G)} le nombre minimum de graphes bipartis complets couvrant les arêtes de G {\displaystyle G} (aussi appelé dimension bipartie). Pour un entier naturel n {\displaystyle n} , si G {\displaystyle G} est un graphe à n {\displaystyle n} sommets, on a b ( G ) n 1 {\displaystyle b(G)\leqslant n-1} [3], car on obtient une couverture à au plus n 1 {\displaystyle n-1} sous-graphes bipartis complets en prenant les sous graphes étoiles[4] de G {\displaystyle G} .

On peut donc noter b ( n ) {\displaystyle b(n)} la valeur maximale des b ( G ) {\displaystyle b(G)} , où G {\displaystyle G} est un graphe à n {\displaystyle n} sommets. Les 10 {\displaystyle 10} premières valeurs de b ( n ) {\displaystyle b(n)} sont données par le tableau suivant (on observe bien que b ( n ) {\displaystyle b(n)} est majoré par ( n 1 ) {\displaystyle (n-1)}  :

n 2 3 4 5 6 7 8 9 10
b(n) 1 2 2 3 4 5 5 6 7

On peut obtenir les premières valeurs de b ( n ) {\displaystyle b(n)} en étudiant systématiquement les graphes à n {\displaystyle n} sommets.
Pour n {\displaystyle n} plus grand, on peut utiliser les propriétés suivantes :

  • b ( n ) b ( n + 1 ) b ( n ) + 1 {\displaystyle b(n)\leqslant b(n+1)\leqslant b(n)+1}
  • Si G {\displaystyle G} est un graphe possédant deux sous-graphes de sommets disjoints G 1 {\displaystyle G_{1}} et G 2 {\displaystyle G_{2}} , reliés par au plus une arête, alors : b ( G 1 ) + b ( G 2 ) b ( G ) {\displaystyle b(G_{1})+b(G_{2})\leqslant b(G)}
    • Si n 1 + n 2 = n {\displaystyle n_{1}+n_{2}=n} , alors b ( n 1 ) + b ( n 2 ) b ( n ) {\displaystyle b(n_{1})+b(n_{2})\leqslant b(n)}
    • En particulier, si pour un certain n N {\displaystyle n\in \mathbb {N} } et a > 0 {\displaystyle a>0} , b ( n ) = a n {\displaystyle b(n)=an} , alors pour tout entier k {\displaystyle k} , a k n b ( k n ) {\displaystyle akn\leqslant b(kn)} , et donc a lim n + b ( n ) n {\displaystyle a\leqslant \lim _{n\to +\infty }{\frac {b(n)}{n}}} . Ce comportement et les premières valeurs de b ( n ) {\displaystyle b(n)} amènent à conjecturer que lim n + b ( n ) n = 1 {\displaystyle \lim _{n\to +\infty }{\frac {b(n)}{n}}=1} , ce qui est en fait vrai.

Théorème[3] — Pour un nombre entier naturel n {\displaystyle n} , le nombre b ( n ) {\displaystyle b(n)} est équivalent, lorsque n {\displaystyle n} tend vers + {\displaystyle +\infty } , à n {\displaystyle n} . Soit :

b ( n ) n + n {\displaystyle b(n){\underset {n\to +\infty }{\sim }}n}

Plus précisément, il a été démontré[5] par Zsolt Tuza que l'on avait : b ( n ) n [ log 2 ( n ) ] + 1 {\displaystyle b(n)\leqslant n-[\log _{2}(n)]+1} .

Nombre minimal de sommets couverts

Pour un graphe G {\displaystyle G} , on note β ( G ) {\displaystyle \beta (G)} la valeur minimale de i = 1 m | V k | {\displaystyle \sum _{i=1}^{m}|V_{k}|} , où G 1 = ( E 1 , V 1 ) , , G m = ( E m , V m ) {\displaystyle G_{1}=(E_{1},V_{1}),\ldots ,G_{m}=(E_{m},V_{m})} est une couverture biclique de G {\displaystyle G} . En d'autres termes, β ( G ) {\displaystyle \beta (G)} désigne le nombre minimal de sommets d'une couverture biclique de G {\displaystyle G} , comptés avec multiplicités. Si n {\displaystyle n} est un entier fixé, on note β ( n ) {\displaystyle \beta (n)} la valeur maximale de β ( G ) {\displaystyle \beta (G)} pour les graphes à n {\displaystyle n} sommets. Zsolt Tuza a donné une minoration optimale[5] de la valeur de β ( n ) {\displaystyle \beta (n)}  :

Théorème — Il existe une constante c > 0 {\displaystyle c>0} telle que pour tout entier n {\displaystyle n} suffisamment grand :

c n 2 log ( n ) < β ( n ) {\displaystyle c{\frac {n^{2}}{\log(n)}}<\beta (n)}

Et cette minoration est optimale, à la constante c {\displaystyle c} près.

Partition en graphes bipartis complets

Définition

Une partition par sous-graphes bipartis complets est une couverture par sous-graphes bipartis complets où l'on impose que tous les sous-graphes soient disjoints.

Propriétés combinatoires

Théorème de Graham-Pollak

Article détaillé : Théorème de Graham-Pollak.

Théorème de Graham-Pollak — Un graphe complet à n {\displaystyle n} sommets ne peut être partitionné en moins de n 1 {\displaystyle n-1} graphes bipartis complets.

Nombre minimal de sommets couverts

De la même manière que pour la couverture biclique, on peut définir α ( G ) {\displaystyle \alpha (G)} le nombre minimal de sommets d'une partition biclique d'un graphe G {\displaystyle G} , toujours comptés avec multiplicités. Pour un entier n {\displaystyle n} fixé, on note α ( n ) {\displaystyle \alpha (n)} la valeur maximale de α ( G ) {\displaystyle \alpha (G)} pour les graphes à n {\displaystyle n} sommets. Un premier résultat démontré par Fan Chung, Paul Erdős et J. Spencer donne un encadrement des valeurs de α ( n ) {\displaystyle \alpha (n)} et β ( n ) {\displaystyle \beta (n)}  :

Théorème[1] — Pour tout réel ε > 0 {\displaystyle \varepsilon >0} et pour tout entier n {\displaystyle n} suffisamment grand :

( 1 ε ) n 2 2 e log ( n ) < α ( n ) β ( n ) < ( 1 + ε ) n 2 2 log ( n ) {\displaystyle (1-\varepsilon ){\frac {n^{2}}{2e\log(n)}}<\alpha (n)\leqslant \beta (n)<(1+\varepsilon ){\frac {n^{2}}{2\log(n)}}}

Ce résultat montre en particulier que la minoration de β ( n ) {\displaystyle \beta (n)} trouvée par Zsolt Tuza est bien optimale.
Il a ensuite été démontré par Paul Erdős et László Pyber[6] qu'il existe une constante c {\displaystyle c} telle que pour tout entier n {\displaystyle n} suffisamment grand, tout graphe G = ( V , E ) {\displaystyle G=(V,E)} à n {\displaystyle n} sommets admet une partition biclique pour laquelle tout sommet de G {\displaystyle G} est contenu dans au plus c ( n / log ( n ) ) {\displaystyle c(n/\log(n))} sous-graphes de la partition.


Articles connexes

Références

  1. a et b (en) F. R. K. Chung, P. Erdős et J. Spencer, « On the decomposition of graphs into complete bipartite subgraphs », dans Studies in Pure Mathematics: To the Memory of Paul Turán, Birkhäuser, (ISBN 978-3-0348-5438-2, DOI 10.1007/978-3-0348-5438-2_10, lire en ligne), p. 95–101
  2. M.R. Garey and D.S. Johnson. Computers and Intractability: A Guide to the Theory of NP-Completeness. New York: W. H. Freeman. 1983. (ISBN 0-7167-1045-5).
  3. a et b Jean-Claude Bermond, « Couverture des arêtes d'un graphe par des graphes bipartis complets », [Rapport de recherche] 10, LRI - CNRS, University Paris-Sud,‎ (lire en ligne)
  4. Martin Aigner et Günter M. Ziegler, Proofs from THE BOOK, Springer, , 6e éd. (ISBN 978-3-662-57265-8, DOI 10.1007/978-3-662-57265-8), p. 79–80
  5. a et b (en) Zsolt Tuza, « Covering of graphs by complete bipartite subgraphs; Complexity of 0–1 matrices », Combinatorica, vol. 4, no 1,‎ , p. 111–116 (ISSN 1439-6912, DOI 10.1007/BF02579163, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) « Covering a graph by complete bipartite graphs », Discrete Mathematics, vol. 170, nos 1-3,‎ , p. 249–251 (ISSN 0012-365X, DOI 10.1016/S0012-365X(96)00124-0, lire en ligne, consulté le )
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