Événement de Miyake

Pic de carbone 14 montrant un événement de Miyake en 993-994.

Un événement de Miyake est une forte augmentation de la production d'isotopes cosmogéniques par les rayons cosmiques. Il se traduit par un pic de concentration du carbone 14 (l'isotope radioactif naturel du carbone) dans les cernes des arbres, ainsi que du béryllium 10 et du chlore 36 dans les carottes de glace, datés indépendamment.

Certains événements de Miyake sont dus à de puissantes éjections de particules solaires et sont sans doute liés aux super-éruptions solaires, mais d'autres pourraient être dus à d'autres phénomènes cosmiques, comme les sursauts gamma.

Description

À l'heure actuelle, cinq événements significatifs sont connus (7176, 5259 et 660 av. J.-C., 774 et 993 apr. J.-C.) pour lesquels le pic de carbone 14 est tout à fait significatif, montrant une hausse supérieure à 1 % sur une période de 2 ans, et quatre événements supplémentaires (12350 et 5410 av. J.-C., 1052 et 1279 apr. J.-C.) nécessitent une confirmation indépendante. Les événements de Miyake ne se produisent pas périodiquement, mais d'après les données disponibles ils semblent séparés par des intervalles de 400 à 2 400 ans[1].

Il existe des preuves solides que les événements de Miyake sont causés par des éjections extrêmement puissantes de particules solaires[2],[3], et qu'ils sont probablement liés aux super-éruptions découvertes sur des étoiles de type solaire[3],[4]. Bien que les événements de Miyake soient définis sur la base d'une augmentation extrême de la concentration en carbone 14 à l'échelle d'une année, la phase d'augmentation ou le plateau (le maintien d'une concentration élevée) excède parfois un an[5],[6].

On n'a pas établi que tous les événements connus ont pour origine une super-éruption, certains d'entre eux pourraient être dus à d'autres phénomènes cosmiques comme les sursauts gamma, d'origine extrasolaire[7].

Un pic de carbone 14 survenu en 12350 av. J.-C., détecté en 2023, pourrait représenter le plus gros événement de Miyake connu. Il a été identifié lors d'une étude menée par une équipe scientifique internationale qui a mesuré les niveaux de radiocarbone dans des arbres anciens récupérés sur les rives érodées du Drouzet, près de Gap, dans les Alpes du Sud en France[8],[9],[10]. Selon l'étude initiale, ce nouvel événement est environ deux fois plus intense que les pics des années 774 et 993, mais on ignore encore la puissance de la tempête solaire correspondante. Cependant, l'événement de 12350 av. J.-C. n'a pas encore été confirmé de manière indépendante dans du bois d'autres régions, et il n'est pas non plus étayé de manière fiable par un pic correspondant d'autres isotopes[9] comme le béryllium 10 et le chlore 36.

Un événement de Miyake se produisant dans les conditions modernes pourrait avoir des conséquences significatives sur les infrastructures technologiques mondiales telles que les satellites et les réseaux de télécommunication et d'électricité[6],[11],[12].

Découverte

Ces événements portent le nom de la physicienne japonaise Fusa Miyake qui, pendant sa thèse de doctorat, a été la première à identifier ces pics de radiocarbone et a publié les résultats avec ses co-auteurs en 2012 dans la revue Nature[13]. L'étude menée à l'époque avait révélé une forte augmentation de carbone 14 dans les cernes annuels de cèdres du Japon pour les années 774-775. L’événement de 775 a aussi été découvert de manière indépendante la même année par Gennady A. Kovaltsov et Ilya Usoskin, à l’aide de données de basse résolution étalonnées selon le modèle IntCal[14].

En 2013, Fusa Miyake et ses co-auteurs ont publié la découverte d'un pic de radiocarbone similaire, daté de 993-994[15],[a].

Référence temporelle

Une fois qu'un événement de Miyake est bien étudié et confirmé, il peut servir de référence temporelle (ou marqueur temporel), un « horodatage annuel », permettant une datation plus précise des événements historiques. Qui plus est, un événement de Miyake est normalement mondial, ce qui permet de recaler toutes les séquences dendrochronologiques, quelle que soit leur région sur Terre.

Six occurrences historiques divers, allant de sites archéologiques aux catastrophes naturelles, ont ainsi été datées d'une année précise, en utilisant les événements de Miyake comme références en complément de la dendrochronologie[17]. Par exemple, les maisons en bois du site viking de L'Anse aux Meadows à Terre-Neuve ont été datées en comptant les cernes à partir de l'événement de 993, ce qui a montré que le bois provenait d'un arbre abattu en 1021[18].

Le site archéologique de Dispilio (en), implantation lacustre située dans le nord de la Grèce datant du néolithique, a également reçu une datation plus précise grâce à l'événement de 5259 av. J.-C.. Une séquence dendrochronologique s'étalant sur 303 ans (5452 à 5140) et 787 morceaux de bois a ainsi pu être recalée, ce qui a permis de dater précisément les différentes phases de peuplement et de construction[19].

Notes et références

Notes

  1. Fusa Miyake a obtenu son doctorat de l'université de Nagoya en décembre 2013[16].

Références

  1. Brehm, Christl, Knowles et Casanova, « Tree-rings reveal two strong solar proton events in 7176 and 5259 BCE », Nature Communications, vol. 13, no 1,‎ , p. 1196 (PMID 35256613, PMCID 8901681, DOI 10.1038/s41467-022-28804-9, Bibcode 2022NatCo..13.1196B)
  2. Usoskin, Kromer, Ludlow et Beer, « The AD775 cosmic event revisited: the Sun is to blame », Astronomy and Astrophysics Letters, vol. 552,‎ , p. L3 (DOI 10.1051/0004-6361/201321080, Bibcode 2013A&A...552L...3U, arXiv 1302.6897)
  3. a et b Cliver, Schrijver, Shibata et Usoskin, « Extreme solar events », Living Reviews in Solar Physics, vol. 19, no 1,‎ , p. 2 (DOI 10.1007/s41116-022-00033-8, Bibcode 2022LRSP...19....2C, arXiv 2205.09265)
  4. Maehara, Shibayama, Notsu et Notsu, « Super-flares on solar-type stars », Nature, vol. 485, no 7399,‎ , p. 478–481 (PMID 22622572, DOI 10.1038/nature11063, Bibcode 2012Natur.485..478M, lire en ligne [archive du ] Inscription nécessaire, consulté le )
  5. Zhang, Sharma, Dennis et Scifo, « Modelling cosmic radiation events in the tree-ring radiocarbon record », Proceedings of the Royal Society A: Mathematical, Physical and Engineering Sciences, vol. 478, no 2266,‎ (DOI 10.1098/rspa.2022.0497, Bibcode 2022RSPSA.47820497Z, arXiv 2210.13775, S2CID 253107601, lire en ligne [archive du ], consulté le )
  6. a et b Fusa Miyake, Ilya Usoskin et Stepan Poluianov, Extreme Solar Particle Storms: the hostile Sun, Bristol, UK, Institute of Physics, (ISBN 978-0-7503-2232-4, DOI 10.1088/2514-3433/ab404a)
  7. Kornei, « Mystery of Ancient Space Superstorms Deepens: A fresh analysis of tree-ring data suggests barrages of cosmic radiation that washed over Earth centuries ago may have come from sources besides our sun » [archive du ], Scientific American, (consulté le )
  8. Alex Wilkins, « Largest known solar storm struck Earth 14,300 years ago », New Scientist, vol. 260, no 3460,‎ , p. 9 (DOI 10.1016/S0262-4079(23)01892-4, Bibcode 2023NewSc.260Q...9W, lire en ligne [archive du ] Inscription nécessaire, consulté le )
  9. a et b Bard, « A radiocarbon spike at 14 300 cal yr BP in subfossil trees provides the impulse response function of the global carbon cycle during the Late Glacial », Philosophical Transactions of the Royal Society A, vol. 381, no 2261,‎ (PMID 37807686, PMCID 10586540, DOI 10.1098/rsta.2022.0206, Bibcode 2023RSPTA.38120206B)
  10. « Largest Ever Solar Storm Identified in Ancient Tree Rings – Could Devastate Modern Technology and Cost Billions » [archive du ], SciTechDaily, (consulté le )
  11. Brehm, Christl, Knowles et Casanova, « Tree-rings reveal two strong solar proton events in 7176 and 5259 BCE », Nature Communications, vol. 13, no 1,‎ , p. 1196 (PMID 35256613, PMCID 8901681, DOI 10.1038/s41467-022-28804-9, Bibcode 2022NatCo..13.1196B, lire en ligne [archive du ], consulté le )
  12. (en) Cosmic-ray Research Division, « Radiocarbon (14C) » [archive du ], Nagoya, Japan, Institute for Space–Earth Environmental Research, Nagoya University, (consulté le )
  13. Miyake, Nagaya, Masuda et Nakamura, « A signature of cosmic-ray increase in AD 774–775 from tree rings in Japan », Nature, vol. 486, no 7402,‎ , p. 240–242 (PMID 22699615, DOI 10.1038/nature11123, Bibcode 2012Natur.486..240M, lire en ligne [archive du ] Inscription nécessaire, consulté le )
  14. Usoskin et Kovaltsov, « Occurrence of Extreme Solar Particle Events: Assessment from Historical Proxy Data », Astrophysical Journal, vol. 757, no 1,‎ , p. 92 (DOI 10.1088/0004-637X/757/1/92, Bibcode 2012ApJ...757...92U, arXiv 1207.5932)
  15. Miyake, Masuda et Nakamura, « Another rapid event in the carbon-14 content of tree rings », Nature Communications, vol. 4,‎ , p. 1748 (PMID 23612289, DOI 10.1038/ncomms2783, Bibcode 2013NatCo...4.1748M, S2CID 256624509)
  16. « Faculty Profiles: MIYAKE Fusa » [archive du ], Nagoya University (consulté le ) : « Degree: 博士(理学)( 2013.12 名古屋大学 ) ».
  17. Price, « Marking time: Radiocarbon timestamps left in ancient tree rings by cosmic ray bombardments can date historical events with unprecedented precision » [archive du ], Science, (consulté le ) : « A previous version "Marking time: Cosmic ray storms can pin precise dates on history from ancient Egypt to the Vikings" appeared in Science, Vol 380, Issue 6641. »
  18. Kuitems, « Evidence for European presence in the Americas in AD 1021 », Nature, vol. 601, no 7893,‎ , p. 388–391 (PMID 34671168, PMCID 8770119, DOI 10.1038/s41586-021-03972-8, S2CID 239051036, lire en ligne [archive du ])
  19. Brice Louvet, « Événement Miyake : les secrets des premiers agriculteurs révélés par un pic cosmique », sur Sciencepost, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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